Passage du canal de Panama

Lock canal

Passage du canal de Panama

 

Pierre Bordier est arrivé à bord le 28 février vers 19.00. Il s’était levé le matin à 5.00 pour prendre un taxi avec Spyro Metaxas, rejoindre, alors qu’il faisait moins deux degrés, l’aéroport de Genève, puis, par Amsterdam rallier Panama City, par un vol KLM. Spyro a passé la soirée avec des amis et nous a rejoints le lendemain matin, 1er mars 2022, quelques heures avant que onze bateaux de la flotte quittent Shelter Bay Marina pour s’élancer à l’assaut des trois premières écluses.

 

Pierre est un ami du collège Calvin. Que son épouse Chantal rejoindra aux Marquises. Et qui un a pris un sabbatical de trois mois pour vivre pleinement le Pacifique jusqu’à Tahiti.

 

Spyro est un ami plus récent. Il est souvent venu, comme Pierre pour des étapes méditerranéennes sur Crazy Flavour. Il a pu se libérer pour venir traverser le canal et venir jusqu’aux Galápagos.

 

Comme le constate Pierre d’emblée, l’ambiance est assez légère et conviviale sur le quai du GLYWO, où sont regroupés les 4 Allures, les 2 García, la flotte des nombreux Outremer, sans oublier Nop Nop.

 

Certes, l’abandon de Surya alimente de nombreuses discussions. De même que la décision prise par six bateaux de ne pas faire l’escale des Galapagos, pour diverses raisons, notamment pour trois d’entre eux, la présence d’animaux domestiques à bord.  Ces six partiront directement sur les Gambiers, puis de là, en fonction des vents rejoindront les Marquises ou continueront sur les Tuamotu.

 

Mais l’heure est aux ultimes préparatifs. Je récupère ma bouteille de gaz de rechange. Avec nos deux bouteilles, nous devrions pouvoir rallier les Marquises sans problème. Je règle les taxes d’électricité et Pierre fait le plein d’eau de nos deux réservoirs.

 

Je prends livraisons de 4 amarres de 30 mètres chacune et de 3 maxi pare battages qui nous sont mis à disposition par l’agent du GLYWO.

 

Le samedi précédent nous avions eu un spécial briefing sur le passage du canal, qui se ferait en deux temps. D’abord le passage des trois premières écluses jusqu’au lac Gatun, suivi d’une nuit sur des bouées. Ensuite un parcours sur le lac Gatun, qui serait ponctué par une écluse, puis peu après, une descente de deux écluses jusque vers l’océan Pacifique.

 

Le passage du canal est très technique et ne tolère aucune fausse manœuvre. Il nous faut manœuvrer précisément selon un ballet bien rodé qui nous sera détaillé pendant 90 minutes…

 

Nous commençons donc, ce 1er mars 2022, par sortir comme prévu de la Marina à 14.00. Mais à cette heure précisément, un violent grain s’abat sur Shelter Bay. Nous décidons de retarder notre départ comme toute la flotte, sauf Nop Nop et Impossible qui avaient anticipé l’heure. Nous accueillons à bord à l’abri, Esther et Christian Pralong qui sont amicalement venus nous larguer les amarres. De même que Luc, alter ego de Victor, qui venait prêter main forte.

 

Le vent redescend rapidement de 27 à 15 kn, l’on peut donc se préparer à sortir. Nous larguons d’abord les amarres superflues pour ne plus en garder que trois. Nous donnons un léger angle de sortie au bateau pour l’éloigner du ponton, puis nous larguons et partons.

 

Nous sommes cinq à bord, heureux de découvrir ce que ce parcours nous réserve : Fabienne qui tiendra la barre, Ann (qui vient de Surya), Spyro, Pierre et moi.

 

Nous commençons par nous ancrer par 10 mètres de fond pas loin de la Marina.

 

En formation, soit dans l’ordre dans lequel nous franchirons les écluses, c’est-à-dire quatre lignes de bateaux.

 

La première ligne deux bateaux (Impossible et Loly), car Surya n’est plus là.

La deuxième ligne avec Manaca, Saga (au milieu) et Nop Nop.

La troisième ligne, au milieu de laquelle se trouvera le 5X Vitia, 2 Canoes à bâbord et nous à tribord.

Enfin la quatrième ligne, avec Biotrek au milieu, et Pom III à bâbord et Endless Joy, à tribord.

 

Nous attendons l’arrivée d’un bateau du canal qui amènera à bord les advisors, un par bateau. Le pilote est un virtuose. il approche chaque bateau à l’ancre et permet à l’advisor de sauter à bord depuis le côté, malgré les vagues et le vent.

 

Ces advisors, employés du canal, auront la tâche de nous diriger. Mais ils ne toucheront pas la barre ni les amarres.

 

Nous recevons à bord Luis, le début de la quarantaine, sympathique et parlant un très bon anglais. Il aura le mérite de toujours rester calme et de donner des instructions très claires.

 

Les advisors échangent entre eux sur un canal VHF. Ils sont sous la direction d’un chef qui se trouvera en dernière ligne sur Biotrek.

 

Nous levons l’ancre pour nous rendre progressivement vers l’ancienne écluse côté bâbord.

 

Nous restons en file indienne sur le côté tribord du canal pour ne pas gêner la progression des bateaux qui sortent du canal et viennent à notre rencontre. Nous devrions rentrer dans la première écluse autour de 17.00.

 

Puis à l’approche de l’écluse, nous nous rapprochons de Vitia pour nous amarrer à lui sur son tribord. Deux amarres en direct à la poupe et à la proue et deux amarres croisées. Immédiatement après nous 2 Canoes fait de même à bâbord. Nous voilà transformés en un multicoques à six coques, piloté par le skipper du bateau du milieu, soit Maxime, skipper de Vitia. Fabienne à la barre réussit parfaitement la manœuvre d’approche et d’arrimage. Elle devra parfois aider l’attelage avec l’un ou l’autre de ses moteurs, mais ne touchera presque plus la barre.

 

Nous rentrons progressivement dans la première écluse, ligne par ligne. À l’entrée de l’écluse huit employés du canal, deux par bateau,  nous attendent sur tribord avec des cordelettes finies par un monkey fist, traduit en français par l’expression pomme de Touline. C’est une forme de pelote compacte que nous recevons sur le bateau, envoyée depuis le quai tribord, et que nous nous empressons d’attacher à nos deux taquets sur tribord à l’avant et l’arrière du bateau. Les deux employés casqués et portant un gilet de sauvetage vont nous suivre sur toute la durée des trois écluses sur le bord de celle-ci. Et ensuite lorsque l’attelage s’arrêtera, ils hisseront nos amarres pour les attacher à une bite d’amarrage. Nous mettons alors immédiatement sous tension nos amarres.  Ceci permet de stabiliser l’attelage à tribord grâce à nos deux amarres à tribord et à bâbord avec celles de 2 Canoes.
 

Vitia, au centre, n’envoie aucune amarre.

 

La première écluse se ferme quand la dernière ligne de bateau a pénétré. Nous sommes onze bateaux dans l’écluse et le niveau de l’eau commence à monter d’abord doucement, puis assez rapidement.

 

Nous croisons sur l’écluse d’à côté un immense porte container qui descend vers l’Atlantique.

 

La première écluse remplie nous passons sur la deuxième. Et pendant que nous avançons, nous pouvons servir à notre advisor un repas qu’il mange seul. Nous attendrons d’être au mouillage pour dîner.

 

La deuxième écluse se présente à nous. Et là, les tourbillons sont plus forts et mettent notre attelage un peu de travers. Il nous faut retendre l’amarre arrière au fur et à mesure de la montée. Impossible de le faire Pierre et moi à la main. Il nous faut en toute hâte avoir recours à un whinch.

 

La deuxième écluse est franchie et nous progressons pour entrer dans la troisième. Bigre, on commence à tous être fatigués de l’effort de concentration et surtout de garder en continu ces longues amarres sous tension, en cours de montée de l’eau dans l’écluse.

 

Ann et Spyro devront fournir un gros effort pour l’amarre de devant pour la troisième écluse. Pierre et Spyro sont encore jet-laggés, mais ne se plaignent aucunement, fascinés par l’environnement et les manœuvres successives.

 

Et nous voilà arrivés au niveau du lac Gatun, 26 mètres au dessus du niveau moyen de l‘océan Atlantique.

 

Pas le temps de se relaxer. Il fait nuit et l’on découvre un terrain de jeu inconnu. C’est le moment pour l’advisor de nous répéter la manœuvre compliquée qui va intervenir.

 

Nous aurons trois grosses bouées de mouillage pour onze bateaux. Ces bouées sont d’un diamètre d’environ 150 cm. Elles sont au ras de l’eau. Elles ont une bite d’amarrage au centre. Nous devrons amarrer quatre bateaux par bouée. Soit deux qui s’amarreront par le côté sur la bouée et qui se lieront ensuite à la tête et à la proue. Les deux bateaux suivants se lieront ensuite à couple sur la coque externe des deux premiers.

 

Nous devons d’abord attendre que les deux premières bouées soient occupées par les sept premiers bateaux. Et ensuite, de nuit dans le vent et sans beaucoup de marge de manœuvre, nous abordons cette bouée avec tous les pare-battages centrés sur le milieu de la coque tribord.

 

La manœuvre se passe finalement bien, comme expliquée et planifiée. Spyro réussit même à grimper sur la bouée pour correctement passer nos trois amarres. Nous attendons POM III qui arrive de l’autre côté, sur son bâbord et s’amarrera à nous, à l’avant et à l’arrière. Enfin Endless Joy, un Outremer 45, s’amarrera à notre coque, pendant que Biotrek se mettra à couple de POM III.

 

À peine amarré, nous prenons un grain fort qui nous oblige à fermer toutes les écoutilles et les bâches. Le vent se lève, la pluie redouble et les advisors nous quittent, laissant à leur sort improbable les onze bateaux ligotés entre eux sur ces trois bouées.

 

Nous dégustons des spaghettis au pesto accompagnée de hamburgers aux petits oignons. L’ambiance est au beau fixe, soit l’exact contraire de la météo.

 

Toute la nuit, notre attelage de quatre bateaux tourne autour de la bouée centrale. Les pare-battages grincent. Ils tiennent le coup, sauf un sur Endless Joy qui rendra l’âme pendant la nuit. Au petit matin POM III doit retendre ses amarres, car il a glissé autour de la bouée.

 

Nous attendons les advisors pour la suite de la traversée du canal, par un temps digne de l’Ecosse.
 

Et vous le prochain article pour la suite du passage du canal….