TAHAA

Utuora

 

 

En ce matin du 13 juillet, nous sommes au fond de la baie Haamene, sur l’île de Tahaa.

Il est 9.00. J’essuie la vaisselle en écoutant Earth Song de Michael Jackson. Une sentiment de bien-être et de gratitude m’envahit, surtout lorsque je repense à ces derniers jours…

 

On rembobine ?

 

Nous sommes partis de Bora Bora le 8 juillet par une journée avec des nuages, mais des vents modérés. Ils oscilleront entre 6 et 13 Kn. Et on remonte au près. Les barres franches sont posées. Elles vont  permettre à Mathieu surtout de barrer, avec un plaisir non dissimulé. On approche de la passe de Pai pai à pleine vitesse au près bon plein. Et on la repère, entre deux rouleaux assez forts. On abat vers le milieu de la passe. Pour passer au portant. Et le compteur montre que notre vitesse diminue fortement... On passe de 9 à 5 Kn, tellement le courant contraire dans la passe est fort.

 

Pas sûr que ça passera sans les moteurs. D’entente avec Mathieu on les allume et on les mets en marche avant au ralenti. Et on pique vers la balise tribord pour rechercher les contre-courants. On arrondit et on franchit cette passe à la voile, en lofant et en bordant grande voile et génois. Puis on pointe plein Sud, direction Raiatea. On contourne le Sud de l’île de Tahaa (qui a le même lagon que Raiatea) et on remonte la côte Ouest pour retrouver nos amis de Impossible qui nous attendent au mouillage devant le Motu Ceran. Au passage on croise nos amis de Akaora qui remontent la côte Ouest de Tahaa.

 

Très belle navigation en fait qui nous a permis en quelques heures de rallier l’Est de Tahaa depuis la passe Ouest de Bora Bora.

 

Nous sommes rapidement rejoints par Fou de Bassan à ce mouillage de Motu Ceran.

 

Très sympa de nous retrouver les quatre avec Valentine et Sébastien que nous avions laissés à Huahine.  Et de pouvoir discuter avec Dominique dont j’apprécie les avis éclairés mais aussi son sens de l’humour, avec des touches d’ironie.

 

J’engage de nouvelles discussions avec Sébastien sur le sujet qui nous préoccupe, soit la question du futur de notre monde. Celui dans lequel nous vivons tous les jours et qui se porte si bien. Sans guerre ni crise. Je plaisante.

J’y reviendrai un jour. Ce sujet de l’état actuel de notre planète est trop préoccupant pour être traité juste en passant.

Le lendemain 9 juillet, je fête mon anniversaire. Je reçois des cadeaux, notamment un superbe dessin sur sable de Valentine, et plein de messages sympas de toute la galaxie, y compris du GLYWO. Je sens l’émotion de Fabienne qui passe ce jour anniversaire éloigné de moi pour la première fois depuis 31 ans.

Et nous sommes rejoints sur le mouillage par Ningyo et Tartine ainsi que par Manacà, dont l’équipage a contracté la COVID et qui sont encore non-visibles, car potentiellement encore contagieux. Initialement ce groupe de 5 catamarans devait en compter sept. Trois équipages ont été rattrapés par le Coronavirus, soit ceux de Vitamine, 2Canoes et Manacà.

Les deux premiers sont restés pour l’instant à quai. Donc nous ferons notre tour de Tahaa à cinq bateaux.

 

Initialement le poste de « Commodore » de notre flotte était logiquement revenu à Claude, skipper de Vitamine et marin très expérimenté. Devant son absence, il fallut le remplacer. L’on m’a désigné volontaire, sans que le descriptif de poste ne m’ait été préalablement soumis. Je me sentais un peu au large dans une telle veste d’un grade qui précède celui de contre-amiral. Mais enfin, je me suis dit que la gestion démocratique helvétique serait sans doute appréciée par mes collègues skippers.

 

L’idée est de nous déplacer de conserve autour de Tahaa dans le sens contraire des aiguilles d’une montre pour rejoindre depuis notre premier mouillage au Nord-Est un mouillage au Nord Ouest puis, le jour d’après, devant le port d’Uturoa chef lieu de Raiatea. A chaque arrêt, une activité à terre est prévue le matin, puis nous serons appelés à repartir l’après-midi pour rejoindre le point suivant.

 

À la fin les trois flottes dirigées par leur commodore respectif devront se rejoindre au Motu Ceran, pour une grande fête offerte par le GLYWO.

 

Ce parcours devait aussi permettre à l’équipe marketing et ses cameramen de prendre des images des flottilles et étoffer la chaîne YouTube GLYWO de nouvelles images.

 

Tudieu, la réalité fut un peu moins clinquante.

 

D’abord, de par l’absence de certains participants restés à Tahiti. ( Jams, 2Canoes, Vitamine, POM III, Piedra Libre), ou ayant fait le choix de partir vers d’autres cieux, soit les Tuamotu (Biotrek).

 

Ensuite les bouées promises  à la première escale n’étaient pas à poste, ce qui m’a valu un moment d’irritation à l’endroit de Luc, qui nous les avaient certifiées, alors qu’elles n’étaient que projetées.

 

Enfin le temps ne fut pas vraiment de la partie, vu la succession de grains et de pluies pendant ces trois jours. Sans parler de la houle du Sud qui s’est invitée sur la fin.

 

Le 10 au matin, nous descendons à terre pour un tour de l’île en bus. Un arrêt rapide dans un supermarché, au nom chinois, puis un arrêt dans une ferme qui produit et surtout vend de la vanille et enfin dans une ferme perlière.

 

Xavier Desmaret, leader charismatique du GLY et patron d’Outremer, rejoint notre bord après ce tour en bus, pour rallier le mouillage du Tahaa Resort and Spa. Et en plus il m’offre un excellent champagne pour mon anniversaire.

 

Nous partons sous génois, pour ensuite établir la grande voile. Nous glissons assez vite sur l’eau avant de réaliser qu’un grain ne va pas tarder à nous rejoindre. Nous roulons en toute hâte notre génois pour slalomer avec un vent de 20 Kn au portant entre les bouées serrées du chenal. La pluie est parfois si dense que l’on ne navigue plus qu’aux instruments, comme lors d’un atterrissage de nuit par brouillard dans un avion.
 

Car on ne discerne plus rien. C’est de toute beauté, mais cela nécessite concentration.

Nous rejoignons le mouillage prévu sans casse.  Manaca et Impossible qui ont quitté le précédent mouillage le matin, n’ayant pas voulu participé au tour en bus, nous y attendent.

Nous mouillons les cinq Outremer en alignement quasi parfait. Et nous mettons  à l’eau le dinghy pour nous rendre sur le corail garden. Il s’agit d’un espace entre deux motus dans lequel le courant nous propulse à grande vitesse sur un magnifique espace de coraux assez bien préservés et une faune sous marine colorée.

 

La première expérience nous plait et nous renouvelons l’exercice en remontant cette forme de « toboggan » à pied par l’un des motus. Xavier connaît l’endroit pour s’y être rendu il y a 4 ans, avec son épouse Barbara.

 

Antoine, Mathieu et Louis semblent se plaire et barbotent avec masques et tubas mais sans palmes, prohibées sur ce lieu.

 

Il est tard lorsque Xavier se fait rappeler à l’ordre par son staff. Il doit dîner ce soir avec une autre flottille à Raiatea. Il rejoint en toute hâte sa troupe sur un bateau accompagnateur et nous donne rendez vous le lendemain. Devant le mauvais temps évident, nous annulons le repas à terre sur le motu. Et invitons la flottille pour un verre en soirée sur Crazy Flavour, ce qui reste le privilège du commodore. Il est vrai qu’il est grand temps de nous délester de certains alcools forts, notamment du rhum, avant transfert du bateau à sonnouveau propriétaire à fin juillet.

 

Le lendemain matin, nous avions une marche à pied qui était prévue. Elle est annulée à la dernière minute en raison de la pluie omniprésente. Qu’à cela ne tienne, nous décidons de visiter une rhumerie biologique qui se trouve au fond de la baie en face de notre mouillage. Mathieu craque devant une bouteille d’un rhum ambré de belle couleur. Je trouve remarquable que cette rhumerie de Tahaa, qui compte sur 40 exploitations de canne à sucre toutes localisées sur Tahaa, et qui n’a été mise en exploitation que depuis 2015 seulement, ait déjà gagné plusieurs prix dans différentes catégories pour la qualité de sa production.

 

Nous repartons de la bouée sise devant la rhumerie à la voile sans mettre notre moteur. Une première, mais je sens l’équipage avide de manœuvres. Et enthousiaste.

 

Ensuite c’est une descente extrêmement humide le long du chenal de la côte Ouest de Tahaa. Il y a de moins en moins d’air et des rafales de pluie, accompagnées de vagues de froid. La température doit être inférieure à 20 degrés. Nous laissons le lead à Manaca qui à l’instar de tous les autres bateaux de la flottille est au moteur. Nous avons décidé de rallier Uturoa à la voile, et pas autrement. On tirera des bords, on s’y reprendra à deux fois pour passer entre deux récifs devant l’aéroport, mais notre entêtement paiera. On ralliera le port longtemps après que notre flottille a pu se mettre à l’ancre et l’on pourra grâce à ce retard, même trouver une place à quai.

 

Peu après, Xavier vient à bord pour 30 minutes d’entretien sur le GLYWO en tête à tête. Je suis à sa disposition pour lui décrire les nombreux points positifs et suggérer quelques améliorations ponctuelles, sur la base d’un canevas de discussion préparé par son équipe.

 

Je trouve au passage remarquable que Xavier trouve temps et énergie pour pareillement s’impliquer dans le détail de ce rallye. Dans un groupe nautique qui compte maintenant 700 employés, beaucoup de patrons auraient délégué cette tâche. De plus, Xavier connaît chacun des participants et leur histoire. Il apprécie d’être là. On le sent aux aguets pour obtenir des anecdotes et il cherche déjà à trouver comment perfectionner la prochaine édition du GLYWO, pour laquelle plusieurs personnes auraient déjà manifesté leur intérêt. Décidément le groupe auquel appartient Outremer a le don de susciter des enthousiasmes.

 

Le soir, nous mangeons au restaurant la Raie gate. Excellent jeu de mot. Repas succulent au cours duquel je sens la flottille heureuse de partager un plantureux repas. Xavier continue certains entretiens en cours de repas. Il est infatigable.

 

Le lendemain, nous effectuons un tour en bus de l’île de Raiatea avec la très sémillante et expérimentée Tara. Voilà 18 ans que cette native guide les touristes en bus autour de « son » île, dans un anglais parfait. Elle nous fait apprécier le jardin botanique, en nous vantant les différences espèces végétales locales. Avec Louis et Mathieu, elle découvre qu’elle a affaire à un public de « pros ».

 

Elle nous indique que le réchauffement climatique n’est pas une vue de l’esprit. Elle qui courrait, étant jeune, à travers les arbres d’un grand motu dans une baie proche de chez elle constate aujourd’hui qu’il n’existe plus et que l’eau a clairement pris le dessus. Toutes les propriétés sur les berges sont renforcées pour lutter contre une érosion de plus en plus efficace et destructrice de terres émergées.

 

Nous découvrons ensuite le lieu sacré de Taputapuātea. Il s’agit du carrefour culturel et surtout religieux du fameux triangle polynésien, ou plus exactement Mā’ohi.

Image
Marae

Cette partie Sud de l’île de Raiatea est considérée comme le centre d’expansion et de convergence de réseaux de lignage et de souveraineté s’étendant sur une échelle considérable, plusieurs siècles durant. Il s’agit d’un ensemble de grandes surfaces de forme rectangulaire de pierres volcaniques. Ces rectangles bordés de pierres dressées étaient des lieux de sacrifice humain et de cérémonies diverses, comme celles du couronnement.

 

De manière intéressante, notre guide nous a dressé en passant la liste d’une série de similarités avec le monde antique égyptien.
 

A commencer par le fait que les polynésiens aient construit des pyramides, certes plus petites, mais selon un modèle proche. Ensuite que le dieu principal était Oro, pendant que les égyptiens honoraient Horus. Et les légendes se ressemblent notamment dans l’adoration du dieu soleil appelé Ra, des deux côtés de la terre. Mais peut-être ne sont-ce que des coïncidences. Il n’y a en l’état aucun ouvrage archéologique ou scientifique qui aurait inventorié toutes ces similarités, ni démonstration patente d’une communication effective entre ces deux mondes.. Surtout je relève que le peuplement de la Polynésie remonte à l’an 800-900 après JC, soit bien après la fin de la civilisation égyptienne, largement plus ancienne.

L’après-midi, nous remontons sur nos catamarans et filons vers le Motu Ceran, où toute la flotte sera réunie. Vitamine a rejoint Urutroa la veille, mais son équipage était resté à l’isolement. Claude décide in fine, de se joindre au rassemblement ayant obtenu comme son équipière un test négatif. La troisième, Cathy, restera à bord. Nous remontons sous génois seulement le chenal central puis le chenal Est de Tahaa. Par amusement nous testons notre capacité à naviguer à deux voire trois KN sous génois entre 40 et 60 degrés du vent. Je vois Xavier qui s’est joint à nous, prendre du plaisir à des réglages de type lémanique et à mesurer notre progression à l’aune de celle de Vitamine. Le tout sous les drones pilotés par l’équipe dirigée par Céline.

 

Nous retrouvons toute la flotte. Et ancrons en tentant d’éviter les plus grosses patates de corail.

 

Par arrêté des autorités maritimes, la circulation dans tout le lagon sera interdite dès le lendemain, 13 juillet, à 5.00 du matin, en raison de la très forte houle qui vient d’une forte dépression dans le Sud. Des vagues de houle sur le récif pourraient générer des déferlantes de sept à huit mètres, nous dit-on.

 

Xavier et son staff doivent immédiatement quitter le spot, avant même que la fête ne commence. C’est rageant pour eux. Ils n’ont pas même le temps de prendre congé de toute la flotte.

 

Nous effectuons une plongée dans les récifs bordant le motu. Puis nous prenons dinghy et lampes frontales pour gagner le motu sur lequel une fête magnifique nous a été préparée. Au programme danses Tahitiennes, musique jouée par un orchestre de quatre musiciens, repas buffet et distribution des prix.
 

Nop Nop reçoit le prix de la camaraderie.
 

Les trois commodores, Bénédicte Hélies, Laurent Gascoin et votre serviteur sont récompensés, pour avoir su mener leur flottille respective.

 

Puis les partants sont honorés. Soit Laurent et Sylvie de Salavida. Et Crazy Flavour, puisque l’aventure s’arrêtera dans cet archipel très bientôt.

 

Je prends la parole pour transmettre d’abord les baisers de Fabienne qui est fortement applaudie. Puis je dis que notre aventure du GLYWO peut se résumer à trois points :

  1. Il s’agit d’un défi personnel, chacun allant tester ses propres limites.
  2. Il s’agit d’un défi humain, chacun devant cohabiter avec l’autre, le conjoint, les équipiers, les autres équipages.
  3. Il s’agit d’une forme de plaisirs partagés. Celui de faire de la voile, mais pas seulement. Cette aventure doit continuer à privilégier le partage.

 

Enfin, à ma surprise, je reçois un magnifique hommage sous forme d’une chanson composée par mes amis et chantée par une troupe de plus de 20 personnes. Les paroles sont reproduites ci-après. Cette belle chanson me bouleverse. Et en plus, les paroles sont empreintes de gentillesse.
 

En parallèle, Geneviève m’offre une magnifique aquarelle pour mon anniversaire. Je suis ému et comblé.

 

Nous finissons par un picoulet géant et une incantation adressée à l’air, la terre, le feu et l’eau sous la direction conjointe d’Étienne et de Geneviève.

 

Que d’émotions. C’est ce que je résumerai à Fabienne, de retour sur notre fidèle catamaran, alors qu’elle m’appelle depuis notre terrasse ensoleillée à Hermance. Elle a reçu les vidéos de la soirée et connais déjà les paroles de la chanson. Elle sait être appréciée de tous. Et que tous ont compris mais regretté son départ. On nous a fait comprendre qu’il nous faudrait revenir sur une ou plusieurs étapes futures, par des messages clairs.

 

C’est la nuit, mais la houle ne touche pour l’instant aucunement cette partie de l’île.

 

Au matin, ce 13 juillet, je constate que nous avons un peu de houle, mais surtout des grains qui se succèdent. Et selon l’angle du vent, notre chaîne passe parmi des patates de corail. Je décide que l’on ne prendra aucun risque. Je lève l’ancre pour nous réfugier au fond de la baie Haamene, juste en face du mouillage, à l’abri des vagues, de la houle et sans aucune patate de corail. Impossible est venu avec nous, étant rappelé que Sébastien avait été le tout premier à attirer l’attention de toute la flotte sur les risques de houle du Sud, bien avant toute information officielle.

 

Et c’est là que commence l’article de ce blog….avec Earth Song, chanson magique interprétée par le roi de la pop, décidément inimitable et irremplaçable.

 

La boucle est bouclée. On approche décidément de la fin du voyage. Bientôt.

 

Annexe : chanson GLYWO sur la chanson « Dis moi Céline » de Hughes Auffray. 

 

Dis-moi, Vincent, comment allons-nous faire, Quand tu seras parti, où lirons-nous ton blog ? De tous les beaux bateaux du GLYWO
Tu es le seul à si bien écrire
R
Non, non, non, nous oublie pas, non, nous oublie pas Tu sais, tu sais, vous pourrez r’venir
Nous oublie pas, non, nous oublie pas,
Ce voyage vous l’aurez embelli
Dis-moi, Vincent, toi qui danses Picoulet,
Toi la social magnet, toi qui prends l’option nord, Comment fais-tu pour séduire les raies,
Quand toutes les Manta nous boudaient
R
Dis-moi, Vincent, qu’est il donc devenu
Ce mouillage infernal, qu’a fait pleurer Faby
Tu aurais pu te faire emporter
Heureusement tu étais costaud
R
Mais non, Vincent, ta vie n’est pas perdue,
Il y’a tant d’aventures à vivre dans ce monde Crazy Fabi qui danse Alexandrie
y a pas que le Valais en Suisse
R
Dis moi, Vincent, tu embrasseras Fabienne, Trop vite elle partie, et nos cœurs sont meurtris Notre jolie juge Rock and Roll
Qui va vraiment trop nous manquer.
Ne pleure pas, non, ne pleure pas,

Tu as, tu as toujours de beaux restes Ne pleure pas, non, ne pleure pas, Nous serons toujours un peu avec vous Dans nos cœurs vous resterez toujours.