San Cristobal, Galapagos

Sea lion

Nous sommes finalement arrivés à San Cristobal. Je dis finalement car la conclusion de cette étape de 800 NM fut laborieuse, les 30 dernières heures au moteur et le final des six dernières heures à deux moteurs pour être sûrs d’arriver dans les temps, soit avant 16.30 pour les formalités.

 

En finale nous avons quand même fait plus de voile que la plupart de nos concurrents. Tous n’ont sans doute pas eu la patience que confèrent les années de pratique lémanique.

 

Au total, nous étions partis le mardi à 14.30 et sommes arrivés sept jours plus tard à San Cristobal.

 

Nous avons, lors de l’approche de l’île, croisé à deux reprises un escadron de baleines, dont certaines bondissaient hors de l’eau, avec d’énormes bruits loin alentours. Et nous avons croisé nombre de tortues marines, raies mantas, otaries et lions de mer. Plusieurs dauphins également.

 

Côté volatiles, nous avons encore eu la visite de fous de bassan dont un qui s’était perché en haut de notre grande voile. Il a fallu l’opiniâtreté de Spyro pour arriver à le dissuader d’y revenir à grands coups de corne de brume.

 

On sent ces animaux non effrayés par l’homme et vivant en totale insouciance.

 

Le ballet des visites des autorités à bord avait été fort bien préparé par Victor et Luc lors du dernier briefing. Du coup quand 9 personnes sont montées à bord d’un seul coup, y compris l’agent (indispensable) mandaté par le GLYWO, nous étions prêts.

 

Comme le faisait remarquer Patrick, avec la lucidité qui le caractérise, ce genre d’exercice bureaucratique et les taxes associées permettent de nourrir plusieurs dizaines de familles à l’année.

 

L’agent nous les présente, ils sont tous assis autour de la table extérieure. Il y a l’armée (deux représentants) l’immigration, les autorités sanitaires (dont une charmante jeune médecin parlant allemand), un responsable du parc national, une responsable de la quarantaine (non importation de produits interdits) et un individu représentant la province des Galápagos, qui a acquis une certaine autonomie par rapport à l’Equateur. Pas de douanes, ici, ce n’est pas le sujet.

 

Chacun a un ou deux formulaires à remplir, ce que chacun fait en parallèle, avec l’aide de l’agent et du skipper.

 

Je fais face à d’innombrables questions sur le bateau, ses caractéristiques et l’état de l’équipage. Je dois présenter nombre de documents, y compris la «zarpe», soit le document prouvant que nous avons quitté le Panama en règle. Sans celui-ci nous serions probablement refoulés.

 

L’état des coques immergées du bateau fait en parallèle l’objet d’une visite d’un plongeur qui prend des photos. Et l’on me demande des documents établissant que j’ai récemment refait l’antifooling et qu’une fumigation a détruit les insectes à bord. En outre, je dois montrer à la médecin tout le matériel médical et de premier secours à bord. Enfin l’officier de quarantaine visite le bateau et vérifie que les prescriptions -très strictes- ont été respectées en matière d’aliments interdits et de plantes qui ne peuvent être importées sur ce sanctuaire des Galápagos.

 

Ça ne plaisante pas au sujet de la propreté de la coque. Salavida, un participant du GLYWO n’avait pas assez bien nettoyé ses coques. Il avait en fait mandaté un plongeur au Panama pour le faire, avec un coût de USD 200. Le plongeur mandaté par les autorités de San Cristobal a trouvé deux petits coquillages à deux endroits. Laurent a du recruter un plongeur (200 USD) et quitter les eaux des Galápagos, soit s’éloigner de 60 NM pour nettoyer sa coque. Puis il a pu revenir.

J’avais passé deux heures à Las Perlas pour nettoyer à fond nos deux coques avec Pierre. J’ai même eu droit à des félicitations du plongeur. OUF.

 

L’ambiance se détend pendant notre inspection lorsque l’on offre à boire. Nous étions cet après midi le 4ème bateau visité et personne ne s’était soucié avant nous de leur offrir de quoi se rafraîchir par plus de 30 degrés. L’ambiance se détend carrément. On nous explique où aller nager. On nous donne deux ou trois indications utiles. Et surtout, les formalités sont finies dans un tourbillon de documents que je dois signer comme skipper.

 

Nous pouvons enlever le drapeau jaune de notre hauban qui signalait que l’on demandait à faire les formalités, et nous pouvons rejoindre le village. Mais comment ? Tout le monde nous dissuade de mettre notre dinghy à l’eau. Et pour cause. Des dizaines de lions de mer et d’otaries n’attendent que l’occasion de cette mise à l’eau pour se vautrer à plusieurs dans tout nouvel esquif. Le seul moyen est de descendre en water taxi. Un dollar par personne, mais aucun risque pour le dinghy.

 

Nous barricadons soigneusement les jupes arrières pour empêcher ces palmipèdes de monter sur les jupes arrières de Crazy Flavour et, de là, sur notre beau bateau.

 

Nous rejoignons les autres équipages déjà arrivés et qui sont conviés par le GLYWO pour un apéro chaque soir entre 5 et 7 pm. Ce soir, nous fêtons l’anniversaire de Keri, l’épouse de Rob, tous deux naviguant sur un Outremer 45 nommé Endless Joy : tout un programme. Les tournées se succèdent. Cela fait du bien de retrouver la terre ferme et d’oublier certains soucis liés à la navigation. On pense aussi à tous ceux qui sont encore en mer au moteur.

 

Après une pizza gigantesque partagée à quatre avec Pierre, Spyro et Patrick, nous voilà de retour au bateau. Il est 23.30. Nous découvrons notre bateau envahi par 4 lions de mer, dont deux qui se prélassent sur les places autour de la table du cockpit sur les coussins. Ni une ni deux, notre fureur et nos hurlements les convainquent de débarrasser le plancher fissa fissa.

 

S’ensuit toute une réflexion stratégique et tactique pour renforcer nos lignes de défense.

 

Mais rien n’y fera, chaque nuit il y aura toujours un individu plus svelte ou plus adroit que l’on retrouvera sur le pont.

 

Incroyable et pourtant vrai.

 

Décourageant, voire enrageant.

 

Exemple la nuit derrière, les otaries mènent un bal entre 3.00 et 5.00 du matin. En poussant miaulées et grognement, en s’attaquant entre elles dans l’espace d’eau entre nos deux coques, comme si c’était un ring de lutte.

Ensuite, elles attaquent nos enchevêtrements de pare-battages et de cordes sur nos jupes arrières.  Elles redoublent d’ingéniosité et n’hésitent pas à parvenir à dénouer ou couper avec leurs dents certains obstacles.

 

Puis certaines arrivent jusqu’au trampoline. En triomphant et en se dandinant.

 

Je discerne subitement Pierre qui surgit promptement de sa couchette en apostrophant un individu qui se rapprochait de son panneau de pont. Le ton monte, car l’otarie rugit. Mais Pierre manifeste son indignation plus fort encore, ce qui doit impressionner l’otarie qui ne devait pas s’attendre à une telle détermination en face d’elle.

 

Et ensuite, intervient une course poursuite au terme de laquelle ce « monstre marin » sprinte puis plonge dans l’enchevêtrement de cordes censés paralyser sa progression, pour s’en extraire avec aisance et se glisser dans l’eau.

 

On réarmera encore nos défenses jusqu’à ne plus savoir qu’ajouter. Et on se rendormira juste avant l’aube.

 

Bon, San Cristobal n’est pas folichonne. Et surtout, la réglementation aux Galápagos est telle que tout nous est simplement interdit. Nous ne pouvons quitter le port pour rejoindre une crique. Sur tout l’archipel, nous ne pouvons mouiller que dans trois ports. Ensuite, si nous voulons plonger ou visiter, nous devons souscrire des packages dans les agences locales, pour des prix tout sauf modestes.

 

En bref, sous prétexte de protection de la nature, nous assistons en réalité à une protection des acteurs locaux du tourisme. Ils ont droit de faire tout ce qui nous est interdit….et la nature n’est pas dérangée par leurs visites et expéditions.

 

Ici comme au Panama, tout se paie en dollar américain. Et tout est prétexte à taxe ou à prélèvement discriminatoire. Ainsi le bateau taxi coûte le double pour un voyageur par rapport à un indigène. Ainsi chaque poubelle coûte trois dollars lorsqu’il faut l’évacuer du bateau. Ainsi lorsque nous irons à Isabella, chaque bateau devra acquitter un « landing fee » de 100 USD, et chaque équipier 10 USD.

 

Vous avez dit racket et interdiction ? L’on se pose la question….

 

Mais chaque personne rencontrée ici est très avenante et sympathique. Tous cherchent à rendre service. Et tout est très easy going.

 

Ce qui dérange c’est le concert continu des lions et otaries qui aboient et crient en permanence et en toute impunité dans les lieux et places publiques. Ils sont comme les vaches sacrées en Inde : intouchables car complètement sacralisés par la réglementation. Pas pensable d’en pousser un. Interdit de les approcher de trop près ou de les toucher…D’ailleurs, il faut se méfier de leurs morsures.

 

Il faudrait en réalité un sacré rééquilibrage. Et probablement une campagne de stérilisation pour revenir à la normale.

 

Un mot pour finir sur nos amis de Manaca, (un Outremer 51 plus récent que le nôtre) Jacques et Vera.

 

Vera, au moment de lâcher les amarres à Panama, est tombée dans le panneau de la baille avant ou sont rangés les cordages et/ou voiles. Elle s’est cassée l’épaule et a dû se faire examiner et soigner au Panama. Elle a quand même voulu partir pour les Galápagos. Pas de chance, vraiment pas de chance, ils semblent faire face à une avarie de leur joint de sail drive, ce qui les a obligés à faire demi-tour, alors qu’ils avaient fait les deux tiers du trajet.

 

Ce soir, j’ai une pensée spéciale pour eux qui sont encore en mer. Si Outremer a pu en un temps record faire réparer Great Circle, la vedette YouTube du GLYWO, j’aimerais infiniment qu’une même énergie puisse leur permettre de réparer Manaca, pour leur donner la chance de rejoindre le peloton et de continuer l’aventure. Je crois savoir que tout sera fait pour réparer rapidement. Mais quelle guigne.

 

Bon, la suite de nos pérégrinations au prochain épisode. Sous peu Spyro, transfiguré et barbu, nous quittera. Et nous changerons prochainement d’île. Toujours dans le cadre de la même réglementation peu propice aux voileux que nous sommes.