Réussir sa vie : encore ?

Bonheur

Cette expression « réussir sa vie » parait sans doute, à la réflexion, inappropriée. Ou en tout cas moins centrée sur ce que tout un chacun cherche, parfois sans même le réaliser :  le bonheur.

 

The search for happiness est cité dans l’acte fondateur des États-Unis d’Amérique, et est fréquemment mentionné dans les discours de Présidents américains, notamment le très grand Président qu’a été Obama, qui y voyait un élément de culture commune de tous les citoyens américains.

 

Pour parler de la quête du bonheur, il faut sans doute traiter d’abord du bonheur.

 

Je ne suis ni philosophe ni linguiste et j’aurais de la peine à retrouver la racine étymologique de ce terme, ni pouvoir citer tous ceux qui ont disserté sur ce thème, même si je me souviens avoir lu Frédéric Lenoir et Schoppenauer discourir à ce sujet.

 

Le bonheur me parait une chose simple. C’est un état de béatitude, ou mieux défini, de félicité, dans lequel tout parait parfait, où toutes les pièces du puzzle de notre vie sont incroyablement ajustées. Où tout semble vous réussir et vous sourire. Je dis semble, car le bonheur peut reposer sur des prémisses inexactes, ou une réalité autre que celle ressentie.

 

Le sentiment de bonheur peut être suscité par une émotion qui traverse votre vie l’espace d’un instant, ou plus durablement. Ou par l’isolement. Ou au contraire par la présence de personnes ou d’animaux qui vous sont chers. Par la perception du beau, qu’elle découle de la lecture, de la contemplation d’une œuvre d’art, ou l’écoute d’une musique. Le bonheur c’est aussi de se laisser envahir par un film qui vous enveloppe. Ou un discours qui vous touche.

Le bonheur peut découler de la création ou de la contemplation. Il peut être généré par l’accomplissement d’une performance, sportive ou non, ou par le simple fait d’être arrivé à un but que l’on s’est fixé, géographique ou autre.

 

Faites l’effort d’arrêter cette lecture et de vous demander à quand remonte votre dernière perception d’un bonheur effectif. Ou demandez-vous quel a été sur cette terre votre plus grand bonheur à ce jour. Êtes vous fréquemment heureux ?

 

Très souvent ce moment de félicité est associé à une étape importante de votre vie. Bien fréquemment, l’on entendra untel parler de son mariage, soit plus précisément de la cérémonie de son mariage. Tel autre parlera de l’arrivée sur terre de ses enfants ou petits-enfants. Parfois l’on mêlera à la perception du bonheur la notion de spiritualité, voire de religieux. Ou de l’atteinte d’une forme de conscience profonde de ce qui nous entoure.

 

Le bonheur n’est pas le plaisir. Mais la perception du plaisir peut entraîner un sentiment de bonheur.

 

La quête du bonheur n’est pas celle du pouvoir. Même si beaucoup peuvent confondre l’ivresse du pouvoir avec le sentiment fort du bonheur. Notions probablement proches en apparence, surtout si l’on prétend exercer le pouvoir pour le bonheur d’autrui, mais à la réalité antithétiques.

 

Mais sommes-nous réellement en quête de bonheur ? En quête quotidienne, ou même simplement régulière ? Difficile de généraliser.

 

Beaucoup de personnes paraissent ignorer leur «niveau» de bonheur. Si certains cherchent, d’autres se perdent dans les dédales de leur vie de tous les jours. Ils se limitent à vouloir franchir les étapes inévitables et redondantes d’une journée, d’un mois, d’une année, d’une vie, notamment professionnelle, sans se poser vraiment la question d’une éventuelle quête et encore moins de celle du bonheur.
 

La rationalisation de nos vies entraine une certaine forme d’automatisation de notre pensée et de nos comportements. Et l’on se limite à se préparer à l’obstacle suivant, souvent administratif ou ménager. J’ai un fort sentiment de vécu en l’écrivant….

A bien y réfléchir, beaucoup d’entre nous sommes très souvent proches du bonheur, mais ne le savons pas. Et nous ne prenons pas un instant pour nous confronter à notre état - physique pu intellectuel, voire moral - ou à la question de la quête du bonheur.

 

Il est vrai qu’hormis dans certains Etats totalitaires, le bonheur ne se décrète pas. Et qu’il ne se mesure pas davantage. Il se publie parfois, plus depuis l’existence des réseaux sociaux, mais il est souvent un sentiment que l’on garde pour soi ou ses proches. Il ne fait d’ailleurs pas toujours bon exprimer un état de bonheur, sous peine de se voir accuser d’être dans un un état de déni de la réalité de notre monde.

 

Et comme me le faisait remarquer un ami l’autre jour, nos sociétés de consommation capitalistes encouragent à penser que le bonheur est avant tout lié à l’acquisition de tel ou tel bien de consommation, ou à l’accumulation de richesses.

 

A mon avis, le bonheur se conjugue bien davantage avec le verbe être qu’avec le verbe avoir.

 

Il est finalement vrai que dans un monde où les catastrophes sont légion et où les médias les répercutent tous azimuths, le malheur attire davantage l’attention qu’un état de félicité. Donc l’on ne traite pas du bonheur tous les jours dans tous les médias du monde, tant s’en faut.

 

Pourquoi traiter maintenant du bonheur?

 

Quel a été l’effet déclencheur ?

 

Je pense que comme Fabienne l’a récemment écrit, l’on ne peut être indifférent à la beauté de ce qui nous entoure aux San Blas.

 

A cela s’ajoute la fréquentation de lieux relativement désertés, et proches de ce qu’ils devaient être il y a plusieurs dizaines, voire centaines d’années. Pas de tourisme ici, si ce n’est des voiliers, dont très peu de charters. Des couples, quelques familles. Des voiliers du voyage, souvent partis pour plusieurs années.

 

On revient à l’essentiel de notre voyage et l’on peut se laisser submerger par la beauté, l’authenticité et la simplicité de notre quotidien. Sans publicité. Sans liaisons, sauf celles que l’on veut avoir. Par exemple par la VHF, qui nous permet de nous retrouver entre bateaux du GLYWO.

 

C’est aussi le bonheur de se retrouver en couple sur notre bateau, que l’on manœuvre en définitive assez facilement d’un mouillage à un autre. Sur notre Outremer tout a été pensé pour naviguer en équipage réduit. Et cela permet de revenir au premiers temps simples de notre vie de couple, il y a plus de 30 ans.

 

Avec un sentiment d’autonomie quasi infini. L’on produit notre eau. L’on n’utilise que très marginalement notre moteur. Et l’on vit des réserves accumulées et des pirogues des gunas qui nous vendent occasionnellement fruits et légumes. Une certaine frugalité n’est peut-être pas à négliger lorsque l’on cherche le bonheur. Merci à Fabienne de me rappeler mes racines protestantes.

 

Enfin le sentiment de compagnonnage et d’amitié est très fort entre les participants de notre Odyssée. Chacun veut rendre service à l’autre. Le groupe WhatsApp permet d’échanger des bons plans ou d’informer des lieux à éviter. Mais ce sont aussi des soirées, que ce soit à bord ou sur des plages, lors desquelles les avis s’expriment respectueusement sur beaucoup de sujets. Cela fait du bien, en toute simplicité et en plusieurs langues.

 

Il est important d’identifier le moment où l’on sent le bonheur vous envahir et de tenter de se le rappeler ultérieurement.

 

D’abord comprendre pourquoi, pourquoi maintenant, et ensuite de tenter de comprendre comment renouveler cet état par la suite.

 

 

Sans Blas merci à toi, en tous cas, nous ressortons prochainement de tes eaux, sans être du tout « Blasé », mais divinement touché par la grâce de ton monde et la gentillesse de ta population. Puisses-tu te préserver de ce que nous pressentons t’être réservé d’ici peu, avec ce maudit changement climatique.