Première sortie de la flottille sur l’eau.

Le capitaine à la barre lors de la régate

Samedi 25 septembre, nous avons rendez-vous sur l’eau à 10h.

Les 19 bateaux qui partent de Port Camargue et de la Grande Motte doivent se retrouver pour une navigation dans la baie d’Aigues-Mortes.

Vers 9h30, alors que nous sommes encore à quai, nous entendons un grand boum qui provient de l’avant de notre bateau. Notre voisin vient de nous toucher en faisant sa manœuvre de départ. Un petit trou, de la taille d’une pièce de CHF 5, apparait dans le gel coat.

Nous sommes sidérés que ce monocoque, un Allure 45, ait dérapé contre nous dans une manœuvre pourtant peu délicate et avec peu de courant et de vent. Son capitaine sort du port et suit sa route sans se retourner. Nous n’en revenons pas.

Nous quittons à notre tour le port, Vincent estimant qu’il est possible de naviguer malgré ce dommage qu’il considère comme de peu d’importance.

Il indique que nous participerons le matin à la « promenade », que nous pique-niquerons sur l’eau près de la plage de l’Espiguette, puis que nous rentrerons pour réparer au port dans l’après-midi.

Arrivés au point de rencontre, nous nous rendons compte qu’il s’agit en fait d’une régate.

Bien que nous soyons dans l’humeur «  plaisance, voyage et découvertes » et qu’il y ait des bateaux bien plus importants et plus récents que le nôtre, je sens immédiatement que le climat change. Les marins du lac veulent démontrer qu’ils n’ont pas à rougir face aux marins de la mer. On ne se refait pas ! Vincent a l’esprit compétition et j’ai beau tenter de lui faire entendre la voix de la raison afin de ne pas créer de dommage supplémentaire au Crazy Flavour, de lui rappeler que la journée n’a pas débuté sous les meilleurs auspices, rien n’y fait.

Un vent d’Est, appelé «  le marin » ou « le Grec », s’est levé et il souffle entre 20 et 27 nœuds, ce qui est assez limite et délicat en régate avec notre bateau. Il parait d’ailleurs que ce vent, lorsqu’il se lève, entraîne la fermeture de la location de bateaux dans la région, car il ramène de la forte houle.

Notre catamaran file et franchit la ligne de départ en seconde position. La flottille est lâchée. Elle est magnifique toutes voiles dehors. Nous sommes en pleine régate. Nous sommes à bord avec Olivier et Laurence. Le skipper a trois marins, qu’Olivier appelle « l’atelier clandestin », car nous sommes tellement concentrés sur les manœuvres et les instructions données par Vincent qui doit crier pour se faire entendre dans le vent que nos visages sont penchés sur les winchs et les cordages. Par ailleurs dans un catamaran, on ne voit presque pas les voiles sous le bimini.

Sur le deuxième bord, au portant, nous devons prendre un ris. Nous ne voyons pas la bouée jaune et nous hésitons. Que voulez-vous, la vue baisse avec l’âge ! De nombreux bateaux sont devant, nous ne sommes plus que 8èmes ou 9èmes. L’équipage ne se décourage pas pour autant et sur le bord final, nous accomplissons une incroyable « remontada » qui nous place au 4ème rang. L’honneur est sauf. Nous sommes tout joyeux à bord, car nous nous sommes pris au jeu, moi aussi, comme d’habitude.

Nous mouillons à l’ancre vers le banc de sable de Port-Camargue et un hors- bord vient nous livrer des paniers pique-niques qui sont les bienvenus. Après l’effort, le réconfort.

Nous disons à la VHF que nous faisons forfait pour l’après-midi et que nous rentrons faire une réparation. Nous rejoignons Port-Camargue. Celui qui a tenté de nous « torpiller » le matin s’est déjà amarré. Visiblement le capitaine est à bord, mais il ne sort pas à notre arrivée.

Olivier et Vincent s’affairent avec le capitaine du voilier Nop Nop, notre voisin de quai, qui a lui aussi subi une avarie. Le matériel et les outils sont partagés. Comme pour une carrosserie automobile, du gel coat a été posé sur le trou et cela devrait suffire. La réparation accomplie, Vincent hèle le capitaine qu’il a vu à bord et qui ne s’est pas manifesté jusqu’ici. Ce dernier sort enfin. Il présente ses excuses et dit qu’il a honte de ce qu’il a causé. Vincent lui dit que l’erreur est humaine, que le dommage n’était pas trop important et que tout est réparé. Le capitaine de Gran Ma lui demande alors d’attendre un instant. Il revient avec une bouteille de whisky, présente à nouveau ses excuses et dit qu’il prendra en charge financièrement une intervention qui pourrait survenir si la réparation à laquelle nous avons procédé devait ne pas s’avérer suffisante. L’incident est clos. L’honneur est sauf.

Le soir, il y a un cocktail dinatoire dansant au Yacht club de la Grande Motte qui a été privatisé pour l’occasion. L’équipage du Crazy Flavour au complet est présent ce soir, six marins. Nous avons invité mes parents âgés respectivement de 85 et 83 ans qui sont venus assister au départ, ainsi que notre fils Lionel et Claude-Aline, son amie.  Ils sont arrivés de Suisse dans l’après-midi. Tout le monde s’est mis sur son trente et un.

Après un petit discours de bienvenue de Xavier Desmarret et une présentation de chaque bateau qui participe à l’Odyssée, la musique démarre. L’ambiance est géniale. Il y a un débordement d’énergie joyeuse et positive au cours de cette soirée, comme j’en ai rarement ressentie. Tout le monde est sur la piste de danse et je me dis qu’à chaque escale, cela va être du tonnerre. Il est désormais certain dans cette aventure que nous ne sommes pas les seuls Crazy people.