The power and the glory

Funerailles

Nous sommes le 18 décembre 2021. Bequia connaît une activité intense.

M. Mitchell, ancien premier ministre de Saint Vincent les Grenadines, âgé de plus de 90 ans, est décédé.
Selon ses vœux, cet hommes qui s’était maintenu au pouvoir plus de quinze ans, et qui l’avait quitté il y a plus de vingt ans, revient sur son île pour une ultime cérémonie religieuse et y être inhumé. 
Par bribes selon les conversations glanées avec les uns et les autres, l’on apprend que ce vieil homme était propriétaire de l’hôtel Frangipani, idéalement situé au bord de la baie de Port Elisabeth. Qu’il était resté humble et accessible, après avoir quitté le pouvoir, de sorte que chacun venait le consulter. On le croisait chaque matin dans sa balade rituelle, lui qui avait rencontré les grands de ce monde, n’hésitait pas à saluer le plus modeste de ses concitoyens. 
On m’a montré des photos de lui rencontrant la reine Élisabeth, Margaret Thatcher, Fidel Castro, et autres. 
Il avait apparemment un rôle de premier plan au niveau de la représentation des micros États des Caraïbes. 
Mais surtout, le peuple l’appréciait.

Pourquoi ?


Parce que le pouvoir ne semblait pas l’avoir changé. Et parce que pendant ses années, de réels progrès avaient été constatés en terme d’infrastructure et d’ouverture au monde. 
C’est simple, je n’ai rencontré personne qui n’aurait émis ne serait ce que des réserves à son endroit. 
 

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Coast guards


Après l’arrivée du destroyer des coast guards, un ferry spécial arrive en rade. 
il faut environ 30 minutes pour que corbillard, fanfare et cortège se mettent en place. 
Puis la troupe s’ébranle par 30 degrés à l’ombre. Tout à l’air surdimensionné. Presque déplacé pour quelqu’un d’apparemment si humble. 
Un cortège de 4X4 noirs transporte du beau monde du débarcadère à l’église, sur une distance de 250 mètres. C’est dérisoire, voire ridicule. 
Le contraste est frappant entre le petit peuple, qui s’est bien habillé mais modestement, et les officiels particulièrement sapés et les dignitaires des corps d’armée en costume d’apparat. Cela paraît une fois encore décalé sur ce bout d’île isolé. 
Vient alors un moment d’émotion. La fanfare joue «Don’t cry for me Argentina », qui était, m’a-t’on assuré  son morceau favori. Peut être la foule remplace-t’elle inconsciemment Argentina par Grenadina ? L’on sent que même les musiciens perçoivent ce moment symbolique et émotionnel. 
Puis le cortège se met en route vers l’église dans laquelle seuls les dignitaires sont assis. Mais de grands écrans permettent de suivre la cérémonie, d’ailleurs retransmise en direct à la TV. 

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Ecran geant

Autre moment non attendu, celui où le drone qui survole le cortège s’emmêle dans une ligne téléphonique. Et tous les  écrans de montrer des parasites. La foule retient son souffle comme si ce drone symbolisait la collision du progrès et de la tradition. Celle qui gouverne cette cérémonie. 
Le drone reprend de la hauteur. La foule et les officiels respirent. La cérémonie peut reprendre son cours. Nous la quittons, à la fois amusé et ému. 
Le titre du livre de Graham Greene « la puissance et la gloire » me revient en tête.

Que cette gloire paraît éphémère et transitoire dans cette belle baie de Bequia. 
Il n’est guère de puissance qui survive au décès d’un homme, fusse-t’il un homme d’Etat. 
Bref la puissance et la gloire sont des notions qu’il importe de relativiser, de manière instante. Et cette cérémonie vient utilement nous le rappeler, à nous autres mortels. 

Vous préférez la lessive ?