Pause antillaise en Martinique, de Fabienne

Arlet

 

 

Nous avons passé, Vincent et moi, les derniers jours de l’année 2021, en amoureux sur le Crazy Flavour (et non Flower ou Fol arôme, Jeanne co-skipper de Nop-Nop!) . Eh oui, nous fêterons le 24 janvier nos trente ans de mariage. Je n’ai pas vu le temps passer…

Nous avons vogué de crique en crique, pour découvrir cette île d’une superficie de 1'100 km2, densément peuplée de 414'000 habitants, dont la ville principale est Fort-de France. Son statut est devenu celui d’un département d’Outre-Mer de la France en 1946.

Son point le plus haut est la Montagne pelée qui culmine à 1397 mètres.

Le français est la langue officielle, mais le créole est parlé par la majorité de la population.

Son nom, d’origine caraïbe, signifie « l’île aux fleurs » « Madinina » et porte bien son nom.

Son passé historique, haut en couleurs et mouvementé, a influencé toutes les Caraîbes.

Christophe Colomb attendit 1502 pour la découvrir.

En 1635, le Français Belin d’Esnambuc y débarque et crée fort Saint-Pierre. Plus tard, son neveu achètera l’île qu’il conservera jusqu’à sa mort en 1676. Après plusieurs tentatives infructueuses de conquêtes des Anglais et des Hollandais, l’île échappa une première fois à la France en 1762. Elle fut récupérée par un traité avec les Anglais en échange du Canada en 1763. Elle lui fila entre les doigts une seconde fois en 1794 au profit des Britanniques aidés par des colons et puissants propriétaires terriens inquiets de la révolution française.

C’est Napoléon qui la reconquiert en 1802 ainsi que la Guadeloupe : il rétablit malheureusement sur les deux îles l’esclavage.
La France reperd la Martinique une troisième fois en 1809 avant qu’elle ne lui soit « définitivement » rendue par un traité en 1814. 
 

Malgré des liens historiques et culturels indéniables avec la France, l’éloignement de la métropole, la différence de mode de vie et des coutumes locales, la diversité ethnique, suscitent bien souvent des grincements dans les rouages avec Paris. J’en veux pour preuve la défiance de ses habitants avec la vaccination prônée par la France pour lutter contre la pandémie covid 19. 
La population préfère s’en remettre aux pouvoirs médicinaux des plantes, à ses guérisseurs locaux plutôt que de faire confiance aux autorités politiques françaises. Dans les familles, on se cache même pour aller se faire vacciner. Cela peut être aussi un secret vis-à-vis de l’autre conjoint dans un couple, ce que nous a confié la pharmacienne de Sainte-Anne qui nous a administré notre troisième dose de vaccin Pfizer. Vincent et moi nous sentons davantage ici dans les Antilles, dans les Caraïbes plutôt que dans un département français.

Quelques milliers d’Hindous et de Syro-Libanais, descendants des « Békés », vieille souche créole, exercent dans la société martiniquaise encore certaines influences, malgré qu’ils ne soient plus qu’environ 4'000.

Sur le plan économique, La Martinique tire une grande partie de ses ressources de ses plantations de canne à sucre, banane et ananas, mais mise surtout aujourd’hui sur son tourisme terrestre et nautique. 

Enfin, la romantique que je suis, ne résiste pas au plaisir de vous rappeler que Madame de Maintenon, élevée au Prêcheur dans le Nord de l’île sut charmer le roi Soleil par sa grâce et l’intéressa à son territoire et que Joséphine Tascher de la Pagerie, née aux Trois-Ilets, séduisit Napoléon et devint impératrice, avant d’être répudiée en 1809.

En 1902, la Montagne Pelée connut une forte éruption qui causa 30'000 morts et décima notamment une grande partie de la population européenne de la Martinique.

Le 28 décembre 2021, après avoir reçu notre « booster de vaccin » à Sainte-Anne, Vincent et moi, désormais seuls à bord du Crazy Flavour, avons navigué jusqu’à la Petite anse d’Arlet. Nous nous sommes dits que nous serions tranquilles dans cette ravissante baie, au mouillage, si nous devions développer des effets secondaires. Nous y avons rejoint Nop-Nop ainsi qu’Impossible et Norm the Storm.
 

A l’heure du déjeuner, le lendemain, après une nuit paisible sur l’ancre, nous avons accompagné les trois équipages dans un petit resto local, à terre. Nous ne ressentions pas de symptômes particuliers à part une légère fatigue et un léger mal au bras.
 

Le service a été fort long et alors que nous remontions à bord du Crazy Fabi pour regagner le bateau, le capitaine a observé que celui-ci avait bougé, ce que personnellement, je ne voyais pas. Nous avons foncé à toute vape grâce à notre fidèle annexe sur le bateau. Je me suis enfin rendue compte que Vincent ne divaguait pas et qu’il disait vrai et que nous devions agir vite. 

Le capitaine s’est rué sur le guindeau pour remonter l’ancre pendant que j’actionnais les deux moteurs et me mettait à la barre. Valentine et Sébastien nous ont aidé à réaliser toute l’opération l’une en gardant notre Crazy Fabi que nous avions quitté à la hâte et l’autre en nous aidant à replanter notre pioche ailleurs et en plongeant pour vérifier où elle se trouvait.

Le capitaine a réalisé un peu plus tard qu’un catamaran Lagoon, mouillé auparavant près de nous, avait quitté l’anse dans l’intervalle et avait probablement, avec son ancre, décroché la nôtre. Ouf, tout a bien fini ! Plus de peur que de mal, mais un bon petit coup d’adrénaline pour ne ressentir plus aucun effet secondaire du vaccin. 

Au cours de la suite de la journée, nous avons exploré l’anse avec masques et tubas en compagnie de Valentine et Sébastien qui nous ont montré les jolis coins aquatiques de celle-ci.

Le lendemain, 30 décembre, en me réveillant, j’ai eu une douce pensée pour notre fille Ambre fêtant à Genève ses 27 ans. Nous avons plongé tôt le matin, à nouveau avec Sébastien et Valentine, de vrais experts en plongée. Sébastien a vérifié avec Vincent son nouveau matériel de plongée sous-marine et lui a rappelé les fondamentaux dans 6 mètres de fond. Valentine m’a accompagnée avec masque et tuba. Nous avons ensuite pris le petit-déjeuner à notre bord avant de nous déplacer de concert avec nos catamarans respectifs à la Grande Anse d’Arlet, à moins de 2 milles nautiques pour de nouvelles plongées et découvertes, notamment de tortues marines. Il y a trois espèces différentes en Martinique.

Cette anse est juste magnifique et n’accueille que quelques bateaux. L’eau est claire, turquoise et émeraude et nous avons d’emblée pu observer des tortues, à peine venions nous de mouiller. Je suis entrée en premier dans l’eau, impatiente de voir de plus près une petite tortue que j’avais repérée.

J’ai commencé à palmer avec un peu d’avance sur Vincent et j’ai dû le faire assez vigoureusement, vu le courant. Ce faisant, j’ai cru d’abord apercevoir un dauphin posé sur le fond à quelques mètres de moi, mais en m’approchant et en le voyant mieux, j’ai découvert avec horreur, que je venais de déranger un requin, de couleur sable, de plus d’un mètre, qui jusque-là devait dormir sur le fond.

Remontant à toute vitesse et me mettant en boule, allez savoir pourquoi, j’ai hurlé : «Vincent, à l’aide, un requin ». Mon cher époux ne s’est dans un premier temps absolument pas déplacé d’un centimètre de sa trajectoire pour venir me prêter secours, me disant ensuite qu’il avait cru à une bonne blague de ma part. Veut-il se débarrasser de moi avant nos trente ans de mariage ? C’est la question qui m’a taraudée sur le moment et quand j’ai appelé à nouveau « au secours », il s’est enfin porté à ma rescousse, se rendant compte que je n’avais pas l’air finalement de plaisanter. 
 

Sont arrivés également, pour me sauver, mais un peu plus tard et en paddle, nos amis d’Impossible. Sébastien a identifié ensuite mon spécimen comme un requin dormeur, inoffensif, se nourrissant exclusivement d’oursins et de petits poissons.

Pour la suite de mon après-midi de plongée, je n’ai plus lâché la main de Vincent, pour poursuivre ma découverte de fonds superbes, peuplés de bancs de poissons multicolores, de coquillages, d’oursins et de coraux magnifiques. Nous avons vu de nombreuses tortues, dont une gigantesque, qui m’a fait enjamber Vincent pour me retrouver un peu plus loin d’elle lorsqu’elle est remontée à la surface pour respirer.

Je m’aperçois que je suis comme un peu comme Ambre et que j’aime la faune aquatique dans les dessins animés et un peu moins seule dans l’eau.

Pour le dernier jour de l’année, nous nous sommes rendus à Fort de France, aux Z’abricots où nous avions réservé quatre bouées pour passer un Réveillon tranquille, comme le temps s’annonçait maussade. En effet, la météo n’avait pas menti. Il a plu toute la journée et la nuit. On se serait cru en Ecosse.

Nous avons appris que le préfet n’avait pas accordé d’exception pour le couvre-feu fixé à 20h pour le 31 décembre. Ainsi un grand nombre de restaurants a décidé de fermer déjà au milieu de l’après-midi. Nous avons convenu de fêter tous ensemble à bord dans ces circonstances et j’ai proposé de le faire sur notre catamaran, où il y a plus d’espace que sur les deux Outremer 45 Impossible et Norm the storm ou que sur le monocoque Nop-Nop.

Nous sommes allés faire des courses pour tout le monde, au total onze personnes avec les deux fils de Jeanne et Lionel de Nop-Nop ainsi que leurs amies et Norman, le Canadien de Norm the storm en compagnie de nos inséparables Valentine et Sébastien à 15h, le 31 décembre, et avons trouvé par chance une pâtisserie ainsi qu’un super-marché Carrefour, tous deux encore bien achalandés. C’était un miracle, car nous avons été informés que les premiers autres commerces se trouvaient à 20 minutes de voitures et qu’il n’y avait ni bus ni taxis disponibles ce jour.

Sur le chemin du retour, nous avons dû faire une halte dans un restaurant sur la berge dans lequel nous nous sommes réfugiés vu la nouvelle pluie tropicale qui s’est abattue sur nous. Nous avons profité du wi-fi pour appeler enfants et parents pour leur souhaiter une belle  fête et de bien terminer l’année 2021.  Ambre se trouvait avec Coralie, Gaby et Flo à Lausanne et faisait des jeux intellos avant le repas. Quant à Lionel et Claude-Aline, ils recevaient à Siviez Léo et Inès leurs amis et Lionel préparait un risotto. Papiche et Mamita réveillonnaient tranquillement chez eux à Sion et Olivier dans son EMS.

Devinez ce que notre chef Vincent avait prévu de cuisiner le soir ? Un risotto. Tel père, tel fils.

Nous avons passé une sympathique soirée tous ensemble et nous avons convenu de «tricher » un peu sur l’heure. Nous avons convenu que l’on changerait d’année à 23h.

 

Nous vous souhaitons Vincent et moi une très heureuse année 2022, pleine de défis, d’aventures, mais aussi d’amour et d’amitié, sans oublier la santé.

 

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Diamant