Nuku Hiva Marquises
Écrit par Vincent le 18/04/2022

Il est 21.14 ce jeudi 14 avril 2022 lorsque notre bateau s’ancre au fond de la baie de Taihoe, chef lieu de l’île de Nuku Hiva, capitale administrative des îles Marquises. Nous débouchons une bouteille de Mauler mise au frais, un excellent mousseux de Boudry près de Neuchatel.
J’ai une pensée pour ma tante décédée qui m’en envoyait pour mon anniversaire une caisse chaque année. C’était ma dernière bouteille à bord. J’ai un moment aussi pour penser au parcours effectué depuis Port Camargue en septembre dernier.
Nous avons donc mis 15 Jours, 11 heures et 44 minutes, dont la dernière heure et demi au moteur, depuis les Galápagos.
C’est un trajet assez rapide par rapport à la moyenne. Notre loch indique 2960 NM alors que sur la carte la distance selon la route directe est de 3028 NM. Cela s’explique une fois de plus par le côté conservateur de notre loch et par le fait qu’il n’intègre pas les courants. Or des courants favorables l’on en a eus, jusqu’à presque 1 Kn de l’heure à certains endroits, ce qui est assez important. De fait, j’estime entre 3100 et 3150 NM la longueur de notre route, qui n’a pas été la plus directe, notamment en raison de notre « détour », par le Nord. Notre moyenne est élevée, soit plus de 200 NM par jour et environ 8.5 KN de l’heure.

Lorsque nous mouillons le 14 au soir, nous sommes le troisième bateau du GLYWO dans cette baie. Il y a également Great Circle arrivé la nuit d’avant et Vitamine qui attend le reste de la flotte depuis le 13 au matin. Arriveront peu après Tartine, Vitia ( qui s’est arrêté juste avant d’arriver ) Akaora 3, Endless Joy et Piedra Libre. Puis graduellement les autres. Mais certains sont encore en mer.
Les trois premiers monocoques, soit Nop Nop, Blueway et Fou de Bassan seront arrivés groupés le samedi après-midi, en 90 minutes d’intervalle.
Une fois de plus la démonstration est faite de la célérité des Outremer, et, au passage de leur confort dans ces mers au portant.
Le lendemain matin de notre arrivée, Luc nous attend au ponton des dinghies à 8.00. Nous débarquons avec la lessive et nos poubelles de 15 jours de mer.
Quand bien même nous avions fait deux lessives pendant le trajet, nous avons beaucoup de vêtements et de draps à faire laver. Divine surprise, il existe une laundry sur le quai managée par une polynésienne de manière efficace. Notre lessive sera prête le lendemain, sans que j’aie besoin de montrer à mes amis mon savoir faire en la matière.
Luc nous remet entre les mains expertes de Kevin, un californien arrivé il y a plus de 15 ans et qui a épousé une polynésienne, celle qui tient le salon de lessive. Les innombrables papiers à l’attention de la Gendarmerie, des douanes et des services de l’immigration sont rapidement remplis avec son concours. Il est d’usage de dire que plus un pays est du tiers monde, plus les formulaires sont épais et incongrus. C’est presque le cas ici, à croire que la France polynésienne veuille régater dans cette catégorie.
Nous avons rendez vous le lendemain matin à la Gendarmerie, car le vendredi saint, pas possible de nous enregistrer. Il faut dire qu’il n’y a que 5 gendarmes sur l’île qui doivent rassurer les permanences de nuit et de jours fériés. Tout ce qui n’est pas urgent peut donc attendre.
Nous découvrons un panorama somptueux avec un cirque de rochers et de végétation qui enserre cette très grande baie. Je compte 61 voiliers au mouillage.
Nous cherchons à nous approvisionner et faire quelques emplettes. Les magasins sont limités et ouverts le matin du vendredi saint, mais pas l’après-midi. Bref, nous mangerons un lunch dans un relais et château, pour nous remettre.
Et nous passerons cette première journée à flâner, à dormir, à visiter et à commencer la remise du bateau en état.
Nous n’avons subi aucun dégât, sous réservé de la balancine, cette corde qui part du haut du mât pour soutenir la bôme, qui se situe sous la partie horizontale de notre grande Voile. C’est une corde d’une cinquantaine de mètres qu’il va falloir réintroduire depuis le haut du mât, ce qui nécessite de se faire hisser en haut du mât.
Nous pourrons compter là encore sur l’assistance de Fred qui, tout en habitant sur son bateau depuis trois ans dans cette baie, rend service moyennant modeste rémunération. Entre-temps j’obtiens du shipchandler qu’il réouvre le samedi matin pour pouvoir obtenir une balancine de 48 mètres. Ce sera achevé samedi à 14.00.
Voilà, notre vie s’organise petit à petit. L’on se fait à une certaine nonchalance et lenteur.
L’on apprend au hasard des discussions que les deux fléaux qui frappent une partie de la population des Marquises sont l’obésité et l’alcool. La criminalité ordinaire n’existe pour ainsi dire pas, mais en revanche les violences domestiques, sur femmes, enfants et animaux ( si si ) sont monnaie courante, le plus souvent liés à la prise de quantité phénoménales d’alcool par hommes et/ou femmes.
Les bateaux se retrouvent près du dock et les équipages refont le parcours et les péripéties de chacun. Le GLYWO est devenu progressivement une grande famille. Très solidaire.
Voilà pour ce jour. Fabienne et Chantal sont en route pour nous rejoindre à Hiva Oa, île plus au Sud, où nos retrouvailles devraient intervenir le 20 avril. D’un naturel méfiant et superstitieux, je préfère me réjouir lorsque nous serons ensemble. Ici, tout est distant et donc incertain.
Mais gémir n’est pas de mise aux Marquises.