Mon parcours initiatique pour devenir marin

Just the two of us

Notre "Crazy Flavour" amarré bientôt au quai Ulysse à Port-Camargue, il me fallait apprendre désormais à le manoeuvrer.

Je partais de loin, même si j'avais déjà accumulé pas mal de miles nautiques. Jusque là, j'avais été la GM du Club Med pour les enfants, la cuisinière scout à bord et le schtroumpf Propret pour la tenue du bateau.

J'allais être" une marin "dès l'été, c'est ce que je me suis promise et les tâches seraient désormais partagées.

J'ai trouvé en février 2016 un prof de voile assez fou pour m'emmener des fins de journée sur un Soling. Je quittais le Tribunal vers 17h pour me rendre à Port-Choiseul où Aurélien m'attendait. Je me changeais dans la voiture et enfilais salopette étanche, pull, bonnet, gants et ciré.

Au début de la première heure, j'avais assez chaud, mais bien des fois, j'ai regagné mon véhicule transie de froid, la peau du visage écarlate et les doigts tout bleus.

Je suis obligée d'avouer que malgré une température peu clémente et des conditions pas toujours faciles, j'y ai pris goût, sûrement aussi grâce à la gentillesse et à la patience de mon moniteur de voile. J'avais après la sortie en voile la tête vidée de mes préoccupations professionnelles, avais vécu une petite cryo-thérapie et étais en forme pour la soirée.

Dix leçons écoulées, Aurélien m'a dit que j'étais prête, mais que ce serait une autre échelle et un autre mode de navigation sur notre Outremer 51.

 

Je préfère mille fois naviguer sur un catamaran plutôt que sur un monocoque pour un voyage, car la gîte rend la vie plus compliquée pour le quotidien à bord. "Notre projet n'est pas de disputer des régates", me suis-je dit. L'avenir me démentira sur ce point...

En mars 2016, Jean-Pierre Balmes, grand navigateur, qui a notamment fait la route du Rhum en solitaire et qui a fait deux fois la mini transat, nous a initiés pendant trois jours jours, Vincent et moi, à la prise en mains de notre bateau.

Nous sommes partis dans la région de Cap d'Agde, puis à Sète et dans l'étang de Thau. Jean-Pierre est un passionné, qui sait partager son expérience, ses compétences et qui est extrêmement pédagogue.

J'ai adoré ces trois jours. Attendre que le pont de Sète s'ouvre en stabilisant mon onze tonnes, arriver à quasiment le faire tourner sur lui-même en maniant les deux moteurs, sentir la Tramontane dans la grande voile et le petit foc, surfer sur l'étang de Thau sans une vague, mais à force 5,  après avoir pris un ris, j'ai découvert le plaisir de la voile pendant ces journées et les performances de notre bateau.

J'ai failli projeter Jean-Pierre à l'eau en faisant démarrer un peu trop brusquement notre annexe le "Crazy Fabi", mais il ne m'en a pas voulu et nous sommes restés amis.

Nous avons passé ensuite pendant un mois l'été sur notre Catamaran en Corse et à l'île d'Elbe, en famille, puis avec des amis et je suis enfin devenue "une marin." 

Me voyant à l'aise pour les manoeuvres au moteur, Vincent a proposé que chaque fois que nous ne serions que les deux, je ferai les manoeuvres de port à la barre du bateau. Inutile de dire que je ne suis pas peu fière de la confiance que m'accorde mon skipper. Il me laisse désormais aussi  la barre lorsqu'il y a du monde à bord. J'ai appris à ne plus écouter les commentaires ou les conseils prodigués par les promeneurs dans les ports lorsqu'ils me voient à la barre.

Je m'isole dans ma bulle et parfois le "public" m'applaudit quand les manoeuvres sont achevées. Merci à Jean-Pierre et à Vincent. 

Lorsque j'ai pris ma retraite au mois de mai 2020, je voulais faire une surprise à Vincent et partir aux Glénans pour passer mon permis voile hauturier.

La Covid m'en a empêchée et nous nous sommes rabattues avec mon amie Laurence Dick Aune qui était également partante dans cette aventure, sur les cours dispensés par le CCS.

Nous nous sommes inscrites en septembre 2020 pour des cours jusqu'à fin mai 2021 qui devaient avoir lieu à l'école d'ingénieurs à Genève. J'étais prête à descendre pour les suivre une fois par semaine à Genève, depuis Siviez en Valais où nous sommes désormais domiciliés ainsi que quelques samedis pour des compléments. Nous devions passer les examens du permis hauturier en juin 2021.

Malheureusement le Covid, encore lui, a fait annuler le cours qui n'a même pas été dispensé en ligne.

Cela ne nous a pas découragées Laurence et moi et nous avons étudié selon le programme décrit, chaque chapitre seule de son côté. A intervalles réguliers, nous  nous sommes retrouvées avec nos maris respectifs pour leur poser des questions et résoudre nos exercices ensemble. Le mari de Laurence, Olivier Aune est un excellent marin qui a vécu dans les Antilles des années durant sur son voilier.

C'est en faisant ces exercices du CCS que j'ai pu mesurer l'étendue de mon ignorance, le courage, la témérité et les performances d'un Magellan et de sa flotte naviguant sans instrument électronique, il y a 500 ans.

La session d'examen n'a pas eu lieu en juin et nous n'avons pas pu Laurence et moi tester nos connaissances. Toutefois, notre amitié de trente ans a été renforcée dans ces moments partagés ensemble ainsi que sur le bateau en juin 2021 où nous avons pu montrer à nos deux marins préférés nos nouvelles compétences.

J'ai aussi suivi il y a deux ans des cours dispensés lors de l'Outremer week à la Grande Motte.

Nous avons suivi  Vincent et moi un cours sur la prise de décision, qui était dispensé par Loic Héliès qui a déjà fait le tour du Monde avec sa femme Bénédicte et leurs trois enfants.

Vincent a pris également un cours "moteur diesel" et j'ai suivi un cours de "médecine d'urgence à bord" dispensé par un urgentiste de l'hôpital de Montpellier. Vincent sauvera les moteurs et moi je le sauverai ainsi que nos équipages.

Je me suis notamment retrouvée lors de ce cours à anesthésier un pamplemousse et à recoudre avec des points de suture une patte d'un pauvre porc, heureusement déjà mort, mais sérieusement blessé.

J'ai appris mille choses fort intéressantes, mais que je prie de n'avoir jamais à appliquer à bord, sur un bateau en mouvement et sur des gens qui me sont chers...

Enfin je viens de rafraîchir mes quelques connaissances en auto hypnose auprès du docteur Alain Forster, formateur dans ce domaine de médecins anesthésistes. Il est très emphatique, sage et je le considère comme un grand philosophe.

Si je ne sais pas encore ce que je vaux comme "marin", je me sens désormais suffisamment en confiance pour oser traverser l'Atlantique comme équipière, alors que ce n'était pas le cas jusqu'à présent et que j'envisageais d'attendre le Crazy Flavour et son skipper au bar d'un charmant hôtel de la Barbade en sirotant un cocktail "Virgin Mojito".

Ce qui a dissipé mes derniers doutes, c'est que notre fils Lionel et son amie Claude-Aline ont proposé de se joindre à l'aventure de même qu'un couple d'amis Bettina et Robin Peter, médecin et chirurgien. Impossible dans ces circonstances de ne pas vivre cette aventure!

Toutes les planètes sont alignées pour ce défi à relever vers le 21 novembre prochain.