Marco Polo : Ouvrir les rêves

Coucher Fish and blue

« La liberté ignore les serrures du temps et de l’espace. Pour traverser les murs, il suffit d’ouvrir les portes, ouvrir les ailes, ouvrir les rêves. »

 

Je retrouve cette belle phrase sur un carton, au milieu des livres que je mets dans des cartons. Écrite à la main avec le nom de l’auteur, Marco Polo. 

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Marco Polo

Et quatre lettres NCME. Ce sont celles de mon frère Nicolas, de ma belle-sœur Caroline de mon neveu Maxime et de ma nièce Elisa. 

 

Grâce à Caroline que je soupçonne fortement d’être l’auteure de ce mot manuscrit, ces deux journées harassantes de rangement passent plus vite. Car je ne cesse de réfléchir au sens profond de cette citation, au terme de ce voyage. 

 

Je suis toujours amarré sur mon corps mort devant la Marina d’Apooiti à Raiatea. Le temps est exécrable. Les averses ont succédé aux éclaircies. J’ai dû bâcher tout l’arrière du cockpit pour tenir hors pluie et humidité les 20 cartons que je viens de remplir. 

 

Fichtre, je ne nous pensais pas si riche de ce que ce bateau contenait et que j’entends rapatrier en Europe. 

 

Et ce n’est pas tout à fait tout. Car trois valises vont m’accompagner dans l’avion du retour. 

 

Bon, je ne vais pas vous détailler tout ce que l’on trimbalait sans raison. Mais rétrospectivement, l’on aurait pu largement voyager passablement plus léger. Fabienne ne me contredira pas. 

 

Je laisse un peu de nourriture, mais en fait peu. Quelques rouleaux de papier ménage et de toilette (c’est important voire essentiel)... Quelques bouteilles d’eau, de coca et quelques cannettes de bières ( Spyro, Patrick, Pierre et Christophe, j’ai même retrouvé une «Dorada» !) et un peu de vin rouge, soit celui que je n’aurais pas donné autour de moi ces derniers jours. 

 

Je garde deux bouteilles de Prosecco pour le moment de l’exécution de la vente, soit le 29 juillet très vraisemblablement. 

 

Je me sens comme celui qui doit regarder devant alors que tout me pousse à regarder derrière. 

 

La liberté évoquée par Marco Polo existe-t-elle vraiment? Le temps et l’espace sont déjà des frontières fixes pour nous pauvres humains. Faut-il ajouter des serrures dont on s’affranchirait ?

 

Certes la relativité permet de s’abstraire des limites du temps, et d’une certaine façon de l’espace. Mais Polo n’est pas Einstein. Je me suis demandé si les serrures n’étaient pas celles de son cachot, lorsqu’il a raconté ses souvenirs à son compagnon de cellule, ce qui déboucha sur la publication de ses mémoires, Messire million, si j’ai bonne mémoire.

 

Sacré personnage. J’ai récemment lu un ouvrage où l’on a reconstitué tous ses parcours et retrouvé des paysages et des villes décrits avec précision. Il a aussi navigué en pleine mer. Notamment sur le chemin de son retour en Europe. 

 

Revenons à la citation. 

 

Je crois adorer ouvrir les portes. Et rencontrer autrui. Partout, en tout temps. Et c’est encore mieux lorsqu’elles sont ouvertes. Je me rappelle d’ailleurs qu’au plus profond de ma mémoire, je me souviens avoir adoré l’expression « enfoncer les portes ouvertes ». 

 

Ouvrir les ailes, ça c’est très visuel et en plus ça me parle vraiment. En effet Bénédict se souviendra que notre bateau de 1986, un Dufour 31,  s’appelait «Spread your wings ». Un titre d’une fameuse chanson du groupe Queen. Que l’on peut traduire par «Étends tes ailes ».  

 

Chez tout un chacun se niche la tentation du repli. Les épaules qui se voûtent. Sous le poids du souci. Sous le regard hostile de l’autre. Devant l’angoisse du lendemain. Devant la peur de l’inconnu. L’inquiétude de la non routine. 

 

Et bien « Spread your wings »  c’est juste l’inverse. C’est le geste de celui qui se prépare à décoller. Qui n’a pas peur de prendre de l’envergure, au sens propre et figuré du terme. Celui qui a envie aussi de prendre de l’altitude et de se débarrasser des contingences de ceux qui restent des terriens.

 

J’avais aimé ce nom de bateau comme j’ai adoré celui de Crazy Flavour qui risque bien de ne plus être porté par ce brave Outremer 51, après la vente. L’histoire le dira.

 

« Ouvrir les rêves », c’est sans doute ce qui est le plus important dans cette citation, prêtée à Marco Polo. 

 

Ne pas avoir peur de rêver de s’imaginer plus loin, ailleurs, très loin. Ouvrir les rêves, c’est oser ne pas rêver dans le champ du possible. Mais s’extraire du quotidien, du confort de notre société du presse bouton. 

 

Ne faudrait il pas apprendre aux gens à rêver ? En faire une discipline propre enseignée dès le plus jeune âge. Et qui permet de par la méditation de prendre la maîtrise de ses rêves et de ses désirs. S’autoriser le rêve c’est déjà s’octroyer le droit de mettre un pied dans l’interdît ou le non possible. Et cela fait du bien. 

 

Mais la concrétisation du rêve -possible- c’est encore mieux. C’est entreprendre. Réaliser. Mettre en œuvre. Passer du conceptuel au concret et se heurter aux réalités quelles qu’elles soient.  Bref, c’est ce qui a permis à l’homme -et parfois à l’humanité entière- de progresser. 

 

Notre rêve, à Fabienne et à moi,  qui s’est parfaitement inscrit dans le programme du GLYWO prend fin. 

 

 

Plus exactement, notre rêve « crazy » s’apprête à céder la place à d’autres projets. Je sais que l’on n’a pas peur d’essayer, d’innover, voire de surprendre.  Et que l’on a encore plein d’envies et de rêves à satisfaire. La soute est pleine. 

 

Voilà mes brèves réflexions autour de cette citation de Marco Polo. Merci à Caroline de les avoir fécondées.

 

Vous aurez encore un peu de nos nouvelles sur ce blog, selon l’humeur et le temps…
 

 

En tout cas lorsque la vente aura été exécutée et que le skipper sera redevenu un terrien. 

 

Ensuite par un bref abécédaire que je me suis juré de rédiger dans l’avion du retour.

 

Merci encore à tous ceux qui nous témoignent amitié, encouragement voire envie que l’on continue ce blog. Mais après le retour à la casa cela n’aurait plus de sens. Même si l’envie de continuer d’écrire nous excite. L’un comme l’autre. Un autre rêve ?

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