Les vagues de Barranquilla, par Nathalie Jeannet Peter
Écrit par Vincent le 08/02/2022

Les vagues de Barranquilla
Lorsque Fabienne et Vincent nous ont proposé de naviguer avec eux de la Martinique aux San Blas à bord du Crazy Flavour: quelle joie, quel privilège... une croisière aux Antilles à bord du plus beau catamaran qui soit: l’Outremer et cela en bonne compagnie. Confort, espace, vitesse, amitié.
Sans aucun doute nous allions vivre un moment inoubliable.
Cela, c’était avant de découvrir Jimmy Cornell (par ailleurs le parrain du rallye Glywo qui est le rallye autour du monde auquel participe Crazy Flavour).
Jimmy Cornell est un marin émérite qui a parcouru plus de 200 000 miles sur tous les océans du monde. Il a écrit plusieurs livres dont « Routes de grandes croisières » souvent reconnu comme la bible des tours-du-mondistes à voile.
Malheureusement mon parcours a voulu croiser le livre de Cornell. Je me suis empressée de vouloir lire le passage qui nous concernait. La route de Aruba (iles ABC) vers le Panama est décrite comme suit « Quand les alizés soufflent au plus fort (donc janvier.. quand nous y sommes), la traversée peut être rude. Cela est confirmé par certains marins qui l’ont décrite comme la plus rude jamais vécue ». Je vous épargne les explications géologiques et météorologiques de ce phénomène. Cornell conseille d’éviter la période janvier-mars...
Aie, notre périple a pris une toute autre tournure dans ma tête. De la croisière facile sous le soleil tropical, vers une traversée difficile. J’ai effectué une recherche « internet » approfondie pour ne découvrir qu’une confirmation des déclarations de Cornell.
Il existe au large de Barranquilla en Colombie, une zone particulière où le vent souffle fort et où les vagues sont mauvaises. Les vagues sont hautes et la houle est croisée avec une période particulièrement courte. Les récits des navigateurs concordent à dire que la traversée est pénible avec une sensation d’être en permanence sur un siège éjectable.
Je me suis intéressée de plus près à notre itinéraire: nous allions naviguer plus de 1200 miles (près de 2000 km), en pleine mer, sans voir la terre, jour et nuit, avec une seule halte aux îles ABC. La plus longue traversée que je n’avais jamais effectuée était la traversée sur la Corse depuis le sud de la France.
Oups, je suis loin de ma croisière de rêve aux Caraïbes.
Je suis ensuite devenue accro à mon application « Windy » Cette application vous donne le vent, les vagues, la météo de n’importe quel endroit du globe (application par ailleurs géniale). Chaque matin en me réveillant je regardais comment étaient le vent et les vagues au large de Barranquilla et cela n’était jamais réjouissant.
Je suis arrivée très tendue en Martinique, en me demandant dans quelle aventure je m’étais embarquée.
Et nous sommes partis. Il y a eu du vent et il y a eu des vagues (rien par rapport à l’Atlantique, mais quand même!)
Nous avons eu eu une « fenêtre météo » au large de Barranquilla, où le vent n’a pas dépassé les 30 noeuds (de quoi quand même impressionner) et les vagues étaient particulièrement clémentes (je voyais quand même des montagnes survenir de tous les côtés, qui s’éclataient avec fracas contre la coque du bateau).
Je n’ai pas vu la terre pendant 3 jours et 3 nuits de la Martinique à Bonaire, puis pendant 5 jours et 5 nuits de Bonaire au Panama.
Et bien: j’ai aimé cela! La terre ne m’a pas manqué. Je n’ai pas eu peur (merci à Vincent pour sa maitrise du bateau et à Fabienne pour ses propos rassurants.)
J’ai adoré les nuits: les étoiles extraordinaires, la Voie lactée, sans aucune pollution lumineuse sur un dôme complet de 180 degrés.
Je connaissais déjà Cassiopée, la grande Ourse, Orion. Grâce à Jacques, je sais maintenant reconnaitre Sirius, la croix du sud, la nébuleuse California.
Les levers de lune accompagnés de Vénus, les levers et couchers de soleil. Les poissons volants, les oiseaux dont certains nous ont tenu compagnie la nuit, accrochés au bateau.
Je ne me suis jamais ennuyée et oui j’ai vécu une expérience inoubliable. Pas celle que j’imaginais au départ, mais une autre bien plus forte.
Merci chère Fabienne. Merci cher Vincent. Cette traversée est et sera un des beaux moments de ma vie…