Les quatre premiers jours de la traversée

Samedi 20 novembre, premier jour de notre traversée de l’Atlantique, le soleil brille et la mer est calme. Il n’y a quasiment pas de vent et pas de houle. Pendant que Robin tient la barre, le reste de l’équipage réussit même à faire 45 minutes de gym, avant de la relaxation sur le trampoline.

Celui-ci nous sert l’après-midi d’espace de lecture, de sieste et de plage. C’est idyllique. Nous communiquons à plusieurs reprises à la radio avec Impossible de Sébastien et Valentine ainsi qu’avec Claude et Cathy de Vitamine. Nous déjeunons de thon frais, servi avec du riz et de la salade, sous la direction de top chef Robin. Nous nous régalons. Vers 17h, le vent se lève et la houle se forme. Bien qu’elle soit modérée, les nouveaux équipiers du Crazy Flavour, à l’exception de Lionel, souffrent à des degrés divers en début de soirée du mal de mer. Il leur faut s’amariner et cela est tout à fait normal.

Lionel propose de préparer une soupe aux légumes, ce qui a l’avantage d’être chaud et léger avant nos quarts de la nuit que le skipper vient de nous assigner.

Nous essayons notre téléphone satellite iridium go et nous parvenons à atteindre Ambre, puis mes parents en visite dans la famille de Jean-Marc Proz, mon frère, pilote d’aviation. Nous entendons tout le monde, Stany, son épouse, Eliot leur fils aîné ainsi que Tom leur fils cadet et c’est vraiment un petit moment sympa et émouvant. Merci la technologie de pouvoir brièvement, mais en temps réel donner de nos nouvelles et en recevoir.

Tous ceux qui ne sont pas dans le premier quart gagnent rapidement leur couchette. Lors de mon second quart entre 4h et 7h du matin, je suis avec Robin. Le vent s’est établi depuis un moment à 14 nœuds, ce qui devient trop puissant pour notre gennaker. Nous devons affaler ce qui avait été précédemment monté par Vincent et Lionel. Nous roulons le gennaker, mais le temps de regagner le carré, il se déroule à nouveau sous la force du vent.

Robin court à l’avant du bateau et se bat avec lui pour tenter de le fermer. C’est une lutte à laquelle j’assiste impuissante, car je ne suis pas de taille et je sais que je risque de passer par-dessus bord, si je le tire ou m’assieds dessus. Je ne vois pas d’autre solution que d’appeler Vincent à la rescousse. Le skipper bondit de sa couchette en slip et se jette à son tour, mais sans gilet dans la bagarre avec cette voile folle et récalcitrante. Les deux hommes, conjuguant leurs efforts, arrivent enfin à la maîtriser. Vincent regagne sa couchette. Robin revient à la barre. Même pas peur ou essoufflé. Moi, j’ai l’adrénaline qui redescend doucement. C’est la fin de mon quart. Bettina me succède aux côtés de Robin. Je tire doucement le rideau de ma cabine et m’endors quasi instantanément.

Dimanche matin 21 novembre à mon réveil, je me crois en Ecosse. La mer est calme, le vent est faible, mais le temps est brumeux et gris. La visibilité n’est pas bonne. Je m’équipe chaudement et je vais lire dans le carré extérieur. Petit à petit l’équipage s’éveille selon les heures de quart qu’il a eues pendant la nuit. Le soleil se lève vers 11h30. C’est alors que Claude-Aline nous signale un banc de dauphins qu’elle aperçoit. Nous sommes tous sur le pont. C’est la première fois que nous en voyons autant. Ils sont une vingtaine et nous apercevons un petit nageant entre ce que nous supposons être ses parents. Les cétacés nous accompagnent pendant une vingtaine de minutes, passant sous la coque, sautant et rivalisant de vitesse avec notre bateau pour notre plus grande joie. Lorqu’ils finissent par nous abandonner pour rejoindre d’autres congénères, nous les regardons partir à regret.   Lundi 22 novembre, je fais un quart avec Lionel. Les éclairs déchirent le ciel, mais il n’y a pas de tonnerre. Nous n’essuyons toutefois pas de grain. Comme nous avons dû mettre un moteur en marche pour avancer pendant la nuit, le skipper nous annonce qu’il a pu brancher le déssanilisateur et qu’ainsi nous pourrons prendre une petite douche chaude chacun avec 3 litres d’eau maximum, (il ne faut tout de même pas exagérer ) et qu’il nous accorde même la faveur d’une petite lessive. Le temps se découvre, le soleil brille et le vent mollit. Nous recommençons une séance de gym. Lionel se fait les abdos selon la méthode de Ronaldo. Dur, dur ! En début d’après-midi ; Robin et Lionel pêchent une dorade coryphène de plus d’un mètre. Vincent doit sacrifier un verre de whisky à grand regret pour anesthésier le poisson. Les trois dames s’écartent de la scène de la mise à mort et de la préparation des filets pour le soir. Notre chirurgien fait merveille et nous n’avons plus de remords en passant à table le soir. Comme il n’y a toujours pas de vent dans l’après-midi, nous décidons de nous baigner. Il n’y a pas de houle et l’océan nous accueille avec une douce température avoisinant 22 degrés. Nous descendons deux par deux pendant que les autres restent sur le bateau et guettent le voisinage. Les deux vieux loups de mer descendent d’abord. Ils remontent ravis quelques minutes plus tard. Lionel et Claude-Aline ont l’insouciance de la jeunesse et font même des plongeons. Il faut se rattraper à la corde, vu le courant et la vitesse du bateau. Bettina et moi fermons la marche et nous nous montrons plus prudentes. Évidemment, Lionel ne manque pas de nous chambrer et de nous dire : « attention, requin ! ». L’échelle du bateau est regagnée en un temps record. Quel taquin !

Pour compléter cette magnifique journée, une tortue de mer sort sa tête non loin du bateau pour nous observer un moment. Nous sommes super enthousiastes. Quand elle nous a assez vus, elle replonge et disparait. Magique ! Le soir, l’océan est un vrai miroir lorsque le soleil se couche vers 19h. La presque pleine lune nous éclaire ensuite et le spectacle est à couper le souffle quand le plancton lumineux s’allume dans la trace du bateau. La voie lactée est bien dessinée et fabuleuse. Quelle belle journée.   Mardi 23 novembre, la mer est agitée et le vent s’est levé. La journée est assez fraîche et un peu grise. Juste après le repas, nos deux pêcheurs ont mis des petits bouts de viande comme appâts. Dans l’après-midi, nous voyons cette fois-ci et non pas à titre de plaisanterie trois requins qui viennent tourner autour de la ligne et repartent dépités vu qu’il s’agit de minuscules appâts. C’est la première fois que nous en voyons et nous sommes tous sidérés. Nous repensons à notre baignade de hier avec quelques frissons !