Galama, presque vers la fin

Nous sommes le lundi 11 avril. Le matin qui suit l’annonce des résultats électoraux en Suisse et en France. Par l’iridium et le truchement de Lionel, nous avons pu apprendre que le Conseil d’Etat vaudois ne comptait plus Mme Amarelle. Nous apprenons peu après les scores au premier tour de l’élection présidentielle française. Avec la quasi disparition des partis politiques historiques français et une poussée forte de l’extrême droite. C’est un peu la douche froide. Jamais le Rassemblement National n’a été aussi proche du pouvoir. Nous sommes à environ 4 jours de l’arrivée. Il nous reste un peu plus de 700 milles à accomplir, sur une distance totale de 3028 NM en ligne droite. Chaque jour ressemble à son précédent et à son suivant. A quelques détails près. D’abord le vent change chaque jour/nuit, un peu en direction et un peu en force. Nous avons eu jusqu’à 24 Kn de vent régulier, mais aussi 15 Kn, ce qui au portant est peu important. La direction de ce vent sur ce parcours est essentielle. Au début nous avions du SE qui s’est mué progressivement en ESE, puis se rapproche par moments du cap 90, soit E. Comme déjà indiqué, nous avions fait, il y a plusieurs jours, le choix d’une route N. Ceux qui voient notre positionnement devaient se demander ce que l’on faisait à l’écart de la flotte, là tout au-dessus. On attendait simplement que le vent bascule en E. Pour ne pas tomber trop bas, il fallait rester environ à la latitude 5 S. Nous y sommes même remontés, alors que nous étions au Sud du peloton. À l’heure où ces lignes sont écrites, cette stratégie semble payante. Nous ne cessons de nous rapprocher, peut être même de rattraper certains des trois premiers du peloton. Il y a Vitamine, dont la vitesse n’est jamais égalée et qui a un jour d’avance. Chapeau bas à la performance de cet Outremer 51. Et puis il y a les deux Outremer 55, Great Circle et Akaora III, et le 5X Vitia, suivis de Tartine un Outremer 51 neuf. En fonction de l’évolution du vent nous pourrions nous retrouver bien placé dans ce groupe de tête, étant au passage rappelé que Vitamine et nous sommes partis le 30 mars, alors que les autres cités sont partis le 31 mars. La vitesse moyenne est assez impressionnante, soit en permanence entre 8 et 11kn. Nous avons eu des moyennes horaires supérieures à 10 Kn. Traduit sur une journée, cela représente plus de 200 NM, soit environ 370 km, notre meilleure journée restant à 222NM. Je relève au passage la performance à mon avis exceptionnelle de l’Outremer 45 Endless Joy qui a presque fait jeu égal avec l’outremer 55 Akaora III sur tout le début du trajet, et qui reste très proche du peloton de tête. Nous n’avons rien cassé. En revanche, il semblerait que de nombreuses drisses de spi et plusieurs  voiles de portant d’autres participants ( Blueway, Vitia, Akaora, Loly, Inky Blue, Fou de Bassan etc…) n’aient pas résisté aux vents assez soutenus des premiers jours. Ce qui a progressivement changé a été le niveau de communication entre les participants. Certes, ceux-ci peuvent s’envoyer entre eux par iridium des SMS et des e-mails, mais ils ont la faculté exclusive de mettre des post sur la page Predict Wind, qui peuvent être lus par les participants, lorsqu’ils vont relever, chaque heure, la nouvelle position des bateaux, leur vitesse et leur cap... Ce qui, au passage, est devenu une habitude fréquente à bord, pour ne pas parler d’addiction, selon Patrick, qui est en cure approfondie de sevrage de smartphone. Mais il rechutera… Au début ces posts étaient assez factuels. Voire limités à des informations de vent et de marche du bateau, parfois d’ambiance à bord. Mais progressivement, sous l’impulsion de Loly, Fou de Bassan et de Crazy Flavour, une nouvelles expression est née. Elle est le reflet de nos états d’âme, de nos attentes. Elle peut être humoristique, littéraire ou poétique. Les quatrains ont commencé à fleurir de toute part, chez Crazy Flavour, Vitia, Salavida et Saga. Loly propose une chanson itinérante que chacun peut compléter d’un refrain qui le concerne. Fou de Bassan disserte avec une très belle plume sur le mana, et parallèlement propose des textes à quizz. A ce sujet, Patrick compose un très beau texte, reproduit ci-après, comprenant des citations de chansons de Brel, que les lecteurs doivent retrouver. Impossible et JAMS racontent leur premières expériences à terre. C’est le lieu de préciser qu’Impossible était parti avec trois autres participants ( Pom III, Biotrek et Sags) directement de Panama pour rallier les Gambiers. Sa description de leurs 27 jours de mer et leurs retrouvailles avec la terre à Mangareva, en a ému plus d’un. Quant à Astrid et Jörg sur JAMS, qui comptent un chien à bord, leur séjour au Galápagos avait été limité à cinq jours. Ils avaient dû partir avant nous direction les Marquises. Je leur avais réservé quelques vers : Quand de nouvelle Cythère tu t’es éprise, Astrid, tu ne mesurais pas la forte emprise Que sur toi aurais définitivement les Marquises. Quant à toi Jörg, à peine arrivés tu maximises, auprès de ta tendre et chère conquise L’effet de ces senteurs multiples et exquises Que sont celles, immuables, des Marquises. Et ils nous ont dit en retour par un très beau post, intitulé « les senteurs des Marquises » l’enchantement qui nous attend dans ces fameuses îles. Salavida, qui avait lui aussi du partir avant nous tous, en raison de sa coque jugée non propre ( cf mes blogs précédents) nous a averti par un autre poème, que comme le disait La Fontaine, rien ne sert de courir, s’il faut ralentir à temps. En effet, chacun veut arriver de jour dans cet archipel et pouvoir contempler ces escarpements boisés bordés de plages. Bref l’esprit un peu compétition qui prévalait au début de ce parcours, s’est graduellement transformé en poésie et en contributions plus personnelles. Certains ont ainsi suivi le mouvement. D’autres restent encore muets. Mais la croisière s’amuse….. Allez, jeudi 14 avril  on devrait y être…. Voici le très beau texte de Patrick Cher(e)s ami(e)s et néanmoins correspondant(e)s Glywosiens, Voici, en ce matin rayonnant - un petit quizz brélien, et quelques rires…quelques vains découragements - en cette x eme journée un peu folle sur une mer déchirée - infiniment brisée . L’avenir est-il au hasard, comme chante un certain, et nos certitudes s’amenuisent-elles, en vue des Marquises …? Bien sûr - face à l’immensité océanique et la plénitude enivrante qu’elle génère, il y a les guerres, les enfants assassinés …l’insoutenable douleur d’un monde que la douleur ne semble pas perturber. Mais l’on sait aussi que le monde s’endort par manque d’imprudence, invite qui professe que gémir n’est pas de mise, à l’approche des Marquises … Il nous faut - quelque soit notre trajectoire et notre gloire - personnelle ou éternelle - réussir à oublier le temps des malentendus et le temps perdu . Sur nos compas et sur nos pas, puissions-nous les transformer en quelques pas de danse, dans l’anse des ces îles, dont le caractère primaire nous rappellera notre enfance . On dit que là-bas, les femmes sont lascives au soleil redouté, une belle métaphore pour nous autres stressés et trop souvent sur le qui vive … Il nous faut définitivement apprendre à regarder la mer comme un regarde un puit et la mort comme on regarde un fruit . C’est notre cap, notre bonne espérance …Sachant qu’in fine, l’avenir est au hasard …