Fin de ma Crazy Odyssée
Écrit par Fabienne le 09/07/2022
Ma Crazy Odyssée s’est arrêtée à Sion le 27 juin 2022. La veille, mon fils Lionel m’avait accueillie en gare de Genève pour me ramener à Hermance. J’avais fait 36 heures de voyage depuis Papeete, 50 depuis que j’avais quitté le capitaine du Crazy Flavour sur le quai du ferry à Moorea. Le matin, Ambre, ma fille est venue m’embrasser avant que je prenne la route pour le Valais au volant de ma mini électrique. Le temps d’effectuer un test covid dans un centre dédié de la capitale du Valais et d’apprendre qu’il était négatif pour me présenter au domicile de mes parents et souhaiter un joyeux anniversaire à mon père pour ses 86 étés.
Nous avons improvisé avec ma mère un goûter avec ses frères et sœur et leurs conjoints pour le fêter dignement. La joie était présente.
Mon père était considérablement affaibli suite à d’importants problèmes de santé qui l’avaient conduit à deux hospitalisations successives en quelques jours à Genève, puis à Sion. Il était inquiet, car il souffrait de son œil droit et ne voyait plus rien. L’œil était rempli de sang, fermé et malgré le port de lunettes noires et une main placée par-dessus, il ne supportait pas la lumière. Son ophtalmologue lui avait dit vendredi 24 juin après trois jours de traitement qu’il ne pouvait plus rien faire et qu’il partait en vacances... Ma mère était épuisée physiquement et émotionnellement. Elle avait pensé perdre son cher mari les deux fois où elle l’avait vu partir en ambulance. Sa souffrance faisait écho à celle que j’avais vécue le mois précédent avec Vincent au large d’Apataki.
Mon frère Jean-Marc et ma belle -sœur Stany qui s’étaient considérablement investis auprès de mes parents et s’en étaient beaucoup occupés, n’osaient pas partir en vacances dans de telles circonstances à Cuba, voyage qu’ils avaient déjà reporté et étaient tout malheureux. J’ai pu les rassurer en leur disant que j’étais rentrée pour m’occuper de nos parents et que je m’y consacrerais à plein temps tant que cela serait nécessaire.
Je vous passe les détails, mais j’ai réussi à faire hospitaliser mon père une nouvelle fois à l’hôpital du Valais pour faire procéder aux examens médicaux indispensables pour vérifier tous ses paramètres vitaux et lui faire passer un IRM du cerveau. A la suite de ces contrôles, nous avons pu être rassurés sur le fait que tout se remettait en ordre, mais que nous avions à faire à une personne âgée, ce dont nous nous doutions et que ses paramètres vitaux étaient en train de remonter dans les normes. Ensuite, j’ai dû m’employer à le faire sortir de l’hôpital et à ne pas le laisser diriger en clinique de gériatrie pour la suite du traitement.
J’ai pu finaliser les démarches que mon frère avait entreprises pour que nos deux parents puissent bénéficier ensemble d’une convalescence en clinique d’altitude où ils séjournent actuellement. Ils reprennent des forces, ils sont heureux. Ma mère se sent à son tour prise en charge comme proche aidante et on s’occupe d’elle. Le 20 juillet prochain, ils fêteront leurs 65 ans de mariage. Ces deux-là sont fusionnels. Ils se prennent par la main, se font de petits bisous, se disent des mots doux et se sourient. Ils sont inspirants. Ils me font penser aux Fous de Bassan qui sont des oiseaux fidèles et inséparables tout au long de leur existence.
Je profite de remercier toutes celles et ceux qui m’ont proposé leur aide, leur soutien, m’ont démontré leur amitié, leur affection, ont souhaité m’inviter, m’héberger, me recueillir. Tous ces témoignages m’ont touchée et m’ont donné le courage et l’énergie nécessaires dont j’avais personnellement besoin vu ce que je venais de traverser il y a un mois avec l’accident de plongée de Vincent, mon départ brutal et déchirant du bateau en quelques heures, mon voyage retour marathon et mon maelstrom émotionnel en découvrant l’état de mes parents.
Je remercie aussi mes coachs médicaux qui m’ont donné de bons conseils et qui se reconnaitront et Clarisse Peter, cheffe de clinique en gynécologie à Sion pour la visite qu'elle a rendue à Papiche dans son emploi du temps chargé à l'hôpital de Sion.
Aujourd’hui c’est le 9 juillet, soit le jour du 62 ème anniversaire du Capitaine. C’est le premier anniversaire que nous ne passons pas ensemble depuis le jour où nous nous sommes rencontrés.
Louis, Antoine et Mathieu, ses nouveaux jeunes équipiers qui font sérieusement abaisser la moyenne d’âge à bord, doivent organiser une petite fête pour lui. Je sais que je peux compter sur eux. Ils m'ont promis un gâteau en chocolat en forme de coeur!
Je suis bien entendu triste de n’être pas présente aux cotés de mon Vincent, mon fou de Bassan à moi, pour l’entourer et le fêter, mais il sait l’essentiel.
Je regrette aussi de n’avoir pas navigué ces derniers jours avec lui dans ces lieux idylliques dont j’avais tant rêvé, de n’avoir pas nagé dans ces beaux lagons, de n’avoir pas vogué sur ces courtes distances entre chaque île, dans de belles conditions de navigation. J’ai manqué de pouvoir passer du temps avec Antoine, Nicoline et Carlos et d’approfondir notre amitié. J’ai aussi raté le retour de Louis à bord et de faire la connaissance de Mathieu. Je n’ai pas pu prendre Antoine dans mes bras pour le féliciter de la réussite de ses examens en pharmacie.Je n'ai pas eu le privilège non plus d'accueillir à bord Clara Hari avec ses parents Aurélie et Olivier. Je me réjouissais de leur faire découvrir les joies de la navigation dans les lagons et de nager parmi les raies avec eux.
Je suis désolée de n’être pas aux côtés du Capitaine pour prendre congé du Glywoo dignement le 16 juillet prochain au départ de la Polynésie. J’ai lié de profondes et indéfectibles amitiés au sein de la flotte et fait tant de belles rencontres.
Comment quitter Valentine, Sébastien et Isys d’Impossible avec qui nous avons pratiquement toujours navigué, tant partagé de repas, de discussions, de jeux, de plongées et d’excursions et qui ont sauvé Vincent ? Comment prendre congé de Geneviève et d’Etienne de Loly qui ont si gentiment pris soin de moi avec toute leur énergie douce et positive lorsqu’ils m’ont découverte, ravagée de chagrin au chevet de Vincent aux soins intensifs de l’hôpital de Papeete et avec qui nous avons si souvent et joyeusement chanté sur les plages de notre périple et à bord du Crazy ? Comment mettre un terme à nos échanges philosophiques, spirituels et historiques avec Marie-Laure et Arnaut de Chap’s, avec Dominique et Véronique de Fous de Bassan ? Et comment ne plus partager de repas animés avec Jeanne et Lionel de Nop Nop, avec Astrid et Jorg de Jams, avec Regina et Peter de Blue Way et de parties de football de table avec Claude ainsi que danses et cours avec Cathy et Yannick de Vitamine ?
Je ne peux pas citer tout le monde, mais Jacques et Vera de Manaca, Tracy et James d’Akaroa, Jost, Anne et Thomas de Suriya qui ont déjà quitté la flotille, resteront aussi chers à mon cœur de même qu’Andrea et Olmo de Cachalot, Sylvie et Laurent de Salavida, Maxime, Dorothée et Vitali leur fils de Vitia. J’espère ne jamais perdre le contact avec vous et vous accueillir à la maison en Suisse à votre retour.
Je ne serai pas présente aux côtés de Vincent en tant que vice-amirale pour remettre la barre du Crazy Flavour et du Crazy Fabi à Dave le 23 juillet prochain, un grand moment d’émotion à vivre.
Je sais toutefois que le Capitaine est fort et qu’il sera soulagé de ne dénombrer aucun blessé parmi ses équipages successifs et aucune casse du bateau. Chapeau à mon skipper préféré et d’exception et bon vent à notre bateau bien-aimé en eaux néo-zélandaises !
Vincent, je te laisse seul mettre en cartons, puis en container les quelques biens matériels en quoi ont consisté nos possessions à bord en un an. Nous sommes surtout riches en souvenirs des moments partagés ensemble au cours de cette Odyssée. Je me réjouis de te retrouver en Suisse prochainement pour de nouvelles aventures. Je te préviens déjà : je fourmille de projets. Encore joyeux anniversaire.
Que m’a apporté cette Odyssée ?
Vous n’allez pas le croire, mais j’ai adoré cette aventure d’un an. J’ai aimé chaque étape parcourue quelque ’ait été son lot de difficultés. Certaines ont été plus sportives que d’autres et je ne souhaiterai pas forcément les revivre. Néanmoins, je les ai appréciées pour ce qu’elles m’ont apporté. J’ai découvert des paysages variés et divers, parfois époustouflants de beauté. J’ai rencontré des peuplades dont je n’avais pour certaines jamais entendu parler. J’ai rencontré des autochtones pleins d’empathie, de bienveillance. J’ai partagé des traditions, appris des coutumes, gouté des cuisines inédites.
J’ai été plus proche que jamais de la nature, du vent, des océans, des étoiles.
J’ai vécu par moments en autarcie, en autonomie énergétique et j’ai tiré des leçons qui me serviront pour la suite sur la fragilité et la vulnérabilité de notre monde.
J’ai découvert des ressources humaines et des qualités dans des domaines insoupçonnés chez les amis et amies qui ont partagé notre bord. Je me suis enrichie à leur contact.
Je suis restée moi-même, mais je suis différente. J’ai repoussé ce que je croyais être mes limites. Je n’ai plus peur de la forte houle, du vent tempétueux, de ne pas voir la terre pendant de nombreux jours. Je ne savais pas comment je réagirais lorsque j’aurai peur. Je le sais. Je me mets en auto hypnose et je reste positive. J’avais une ou deux phobies, je n’en ai plus. J’ai nagé avec des requins. Je ne souffre plus d’abandonisme. J’ai failli perdre Vincent. Une succession de miracles se sont enchainés et il est toujours en vie. Je suis rentrée au bon moment, au bon endroit pour aider mes parents et ils vont vieillir ensemble à la maison encore surement un bon moment. Une véritable thérapie au long cours cette Odyssée. Je suis en harmonie, en paix et en sérénité avec moi-même.
Je termine ici en ce qui me concerne le blog.
J’ai été heureuse de partager ce récit avec vous
Je vous quitte en vous confiant que j’ai écrit un témoignage avant mon départ en bateau sur mon expérience professionnelle de magistrate pour la protection des enfants, puis comme juge pénal des mineurs, fonctions que j’ai assumées à Genève pendant 27 ans.
Ce récit devrait paraître aux éditions Slatkine en 2023 sous le titre : « C’est ma juge : respect. », si mon éditeur veut toujours me faire paraitre après cette année de voyages.
Enfin, je vous informe que notre fille Ambre se lance en politique sous la bannière PLR aux élections législatives cantonales genevoises du printemps prochain et que Vincent, Lionel, Claude-Aline, Papiche, Mamita, Jean-Marc, Stany, Eliot et moi ne pourrons pas voter pour elle, étant domiciliés en Valais et à Zurich. Alors s’il vous plait, comme pour désigner la reine des Embera, emboîtez-lui le pas…
Je vous embrasse.
Bye, bye. Vive de nouvelles aventures !