EPI(B)LOGUE

Siviez

Nous sommes à fin 2022.

Que le temps a passé vite depuis notre retour en Europe. Fabienne ce fut fin juin, pour être encore en mesure de retrouver son père le jour de son anniversaire. Moi ce fut le 5 août.
 

Pour tous deux, ce furent 30 heures de déplacement. Bigre, nous avions navigué loin vers l’Ouest.

Mes impressions furent d’emblée contrastées.
Bonheur de retrouver mon épouse, ma famille, en particulier nos enfants, nos amis et connaissances.
Bonheur aussi de redécouvrir nos lieux de vie : Siviez avec ses sommets et son air pur ;  notre pied à terre de Hermance, avec le majestueux Léman sous nos yeux.Bonheur aussi de se dire que notre existence est plus sereine, moins exposée aux risques de toute nature auxquels nous avons été confrontés plus de 10 mois.

Fierté ensuite d’avoir traversé deux océans et parcouru plus de 12’000 NM à la voile, en ayant pu voir et découvrir quelques lieux mythiques.

Mais passablement de difficultés aussi. Comment tutoyer à nouveau notre civilisation tournée vers la consommation, vers une débauche de ressources, notamment énergétiques et sans limite au niveau de l’accession aux besoins de toutes sortes?  

L’anormalité de ces temples de la consommation, dans lesquels le bonheur ressenti paraît inversement proportionnel à l’offre des étalages, si l’on en croit le visage fermé de ceux qui, d’une moyenne d’âge souvent élevée d’ailleurs, parcourent les allées d’un air blasé, m’a interpellé. 

Je fus choqué. Je le suis encore, moins qu’hier et certainement plus que demain.

Dans cette société d’opulence, le message en Europe et aussi en Suisse courant août d’une nécessaire frugalité énergétique pour éviter des coupures de courant cet hiver m’est soudainement apparu comme aussi incongru que naturel. 

Sur Crazy Flavour, s’il y a moins de soleil, on peut moins consommer d’énergie, dans une optique simple et mathématique. Si tu as moins, tu consommes moins. Ici en Suisse, une réduction de 10% parait insurmontable.

L’autre difficulté c’était de passer désormais ma vie future loin de notre bateau. Pas facile de l’avoir tant côtoyé, d’avoir tant misé sur ses qualités si évidentes et jamais démenties, et de l’avoir cédé pour toujours. Je réalisais progressivement que je vivais une mini dépression que Fabienne ne comprenait qu’à moitié. Pour elle seul l’avenir comptait. Elle était enthousiasmée par l’aventure vécue, mais n’aurait pas voulu la prolonger et encore moins la répliquer.
 

Il allait falloir me réinventer, me redonner des buts et des envies, sans le CRAZY….

Je reçois depuis notre retour des nouvelles de Crazy Flavour qui va fort bien. Dave, son nouveau propriétaire, m’a tenu informé des deux traversées apparemment effectuées sans problème. Celle de Polynésie vers les Fidji. Puis celle qui l’a amené vers son nouveau pays d’adoption, à savoir la Nouvelle Zélande. Pas plus tard qu’il y a quelques heures, Dave a eu la gentillesse de me faire savoir qu’ils quittaient quelques jours la Marina d’Auckland pour gagner Bay of Islands, un peu plus au Nord et que c’était un vrai plaisir de naviguer à nouveau sur ce catamaran, que je persiste à considérer comme une unité d’exception.

Nous avons eu la chance, grâce à Nathalie et Clarence Peter,  de pouvoir réunir en octobre au bord du lac Léman tous les équipiers de notre Odyssée pour une soirée raclette, au cours de laquelle des photos ont dėfilé et des commentaires, tous un brin nostalgiques, ont été recueillis. Beau moment encore inspirés du passé, mais avec la promesse de tourner la page pour entrevoir le futur. 
 

Beaucoup d’émotion  aussi de retourner à Port Camargue en revenant sur les lieux de notre départ, une année avant exactement, et d’y retrouver tous ceux qui avaient participé à ce début d’aventure. La Capitainerie, dont nous avons porté le pavillon, les sympathiques employés d’Uship et Frédéric Pérez, professionnel du grément, que je tenais à remercier personnellement. Grâce à Agrément, nous n’avons eu aucune casse et notre mât a parfaitement tenu. 
 

Nous avons ensuite passé une soirée avec Xavier Desmaret à revivre nos aventures et à risquer des conseils pour la prochaine édition du GLYWO, mais aussi à témoigner comment notre odyssée avait été, de notre point de vue, un succès. Le lendemain, un café avec Pierre Delhomeau et des échanges avec Matthieu Rougevin-Baville m’ont convaincu du fantastique succès que devait maintenant gérer sur la distance le groupe Grand Large Yachting, et en particulier la marque, devenue fétiche, Outremer.

Fabienne résolument tournée vers le futur a entrepris de modifier notre portefeuille immobilier. Vente de Port Camargue et de notre domicile principal de Siviez et acquisition d’un nouvel appartement plus centré au milieu de Haute Nendaz. Voilà une année 2023 qui s’annonce sous les auspices de Saint je ne sais qui, patron des déménageurs de tout poil, notamment les amateurs que nous sommes…

Vous êtes beaucoup à me demander si me je me suis bien remis de ce stupide accident de plongée ( voir les épisodes de ce blog intitulés « Crazy Frayeur » ).

Je vais fort bien. Je n’ai subi aucun traumatisme physique ou psychique. Je n’ai jamais fait de cauchemars dans lesquels j’aurais revécu mon manque d’air. Je dois à la vérité que la vision hier du film Avatar 2 m’a toutefois réveillé quelques souvenirs bien enfouis, notamment lorsque l’on voit des images de nageurs en apnée manquant d’air ou remontant du fond de l’eau vers la surface en toute hâte pour respirer... Mais je crois être parfaitement indemne. 
 

Que faire désormais ?
 

Bon, il y d’abord l’idée de retrouver pour une brève période les participants du GLYWO. Nous sommes conviés à rejoindre Dominique et Véronique sur « fou de Bassan » en mai aux Vanuatu. Et l’on prolongera par une escapade en Australie.
 

Pour d’autres voyages, l’on verra. L’Indochine nous tente.

D’ici-là, deux autres équipages du GLYWO, Loly et Chap’s, viendront nous rendre visite en janvier à Siviez. Une fois encore, des amitiés fortes sont nées et pour rien au monde nous ne manquerons de suivre le parcours de ceux qui continuent jusqu’à la fin du tour en 2024. À ce jour hormis quelques équipages ( dont Impossible et NopNop) qui n’ont pas quitté leur bateau et qui profitent de la Nouvelle Zélande, la plupart a saisi l’opportunité de la longue période aux Fidji ou en Nouvelle Zélande pour revenir à sa base de départ, souvent en Europe.

On regarde les images et films, par satellite interposé, les parcours nautiques de chacun. L’on suit les messages et photos échangés sur les groupes Whattsapp et l’on mesure le privilège d’avoir participé à cette aventure sur un demi globe.

Nous mettons à profit notre temps libre pour retrouver des amis avec qui nous partageons les leçons de notre aventure mais aussi notre consternation devant l’évolution de nos sociétés qui ne réagissent pas assez fortement à tous les défis actuels et futurs. 

Sur un plan personnel, je lis énormément. Environ deux livres par semaine ; je rattrape toutes ces années de travail intense qui ne me laissaient guère de place et de temps pour découvrir et savourer les pensées, réflexions et descriptions de tant d’auteurs francophones ou anglophones. C’est une véritable douche de savoirs, de culture(s) et de vécus qui me permettent de me ressourcer et de préparer, j’espère sereinement, la suite de notre vie.

Je n’exclus pas d’ailleurs, vu le plaisir que la rédaction de ce blog a suscité en moi, de m’essayer à une forme de rédaction. Je m’interroge. J’ai des idées. Cette nouvelle aventure en terres inconnues pourrait me mobiliser prochainement.

Fabienne publiera son opus ( « C’est ma juge, respect »)  pour la rentrée littéraire de septembre 2023 aux éditions Slatkine; elle sera appelée à des séances de signature et j’imagine le plaisir qui sera le sien si cela lui permet de rencontrer certain-e-s d’entre vous que nous n’avons pas encore pu re-contacter.

2023 nous verra aussi faire activement campagne pour notre fille Ambre qui se lance en politique à Genève, sous la bannière PLR.  Chaque vote compte pour le parlement genevois, et si vous pouvez l’ajouter sur votre liste nous vous en sommes infiniment reconnaissants.

Quant à notre fils Lionel, il reviendra avec Claude-Aline à Genève depuis Zürich, probablement courant mars. Encore un acte de déménagement et une séance de musculation bienvenue….

Nous étions hier soir avec des amis ( Romaine et Michel ) qui viennent de boucler en août également un tour du monde (terrestre) avec leurs jeunes enfants. Partage de nombre de sentiments communs, notamment sur l’émerveillement suscité par certains lieux mais aussi sur l’état de notre bonne vieille Terre. enfin le même constat sur la difficulté de nous réinsérer aisément après un tel break.  Nous n’avions pas pu terminer notre blog respectif, sans doute car cela signifiait que l’aventure était finie. Cela m’a convaincu d’y procéder ce jour,

Voilà, il est enfin temps de conclure  pour que vous puissiez découvrir ce dernier article de notre blog avant la fin de l’année. N’hésitez pas à nous envoyer un mot en réponse à cet e-mail qui vous transmet celui-ci. Personne d’autre ne vous lira.Il arrive en privé. Cela nous fait toujours infiniment plaisir. 
 

Je transmets le clavier à Fabulous Fab pour le dernier paragraphe.

Je serai brève : Vive de nouvelles aventures, vive 2023 et mes meilleurs vœux à chacun-e d’entre vous. Merci de nous avoir suivis et soutenus tout au long de notre Odyssée.

Vincent, s’il te plaît, viens me rejoindre pour …la lessive !