Deux amies, trois espèces de tortues, et un très petit monde par Fabienne

Quatre

Depuis ce début d’an de grâce 2022, les flibustiers que nous sommes devenus naviguent d’anse en anse en Martinique après avoir offert une pause de trois jours au Crazy Flavour, pour se refaire une santé et une beauté pour la suite de nos aventures.

Nous en avons profité pour descendre aux Trois Islets, plus précisément à la Pagerie, non loin des terres de l’impératrice Joséphine. L’hôtel n’avait rien d’impérial, mais il avait le mérite de ne pas tanguer, de n’être pas exposé aux courants et aux alizés et de nous permettre d’y retrouver Birgit Sambeth Glasner arrivée lundi 3 janvier de Genève, puis Dominique Cuffy le mercredi 5 janvier de Montréal, mes deux très chères amies.

Je connais Dominique depuis nos années de collège à Rousseau. Nous avons aussi pratiqué ensemble le rock acrobatique au club Zou avec chacune pour cavalier un des frères Schach. Moi, Reinhard et Dodo, Michel. 
 

Nous étions très liées et avons vécu plein de moments sympas en montagne ou sur les pistes ...de danse du Macumba.
 

Dominique a ensuite épousé en premières noces mon cousin Jean-Claude Roth et a donné naissance à ma filleule Lauriane. En deuxième noces, elle a épousé Pierre Mc Cann et l’a suivi avec Lauriane au Canada où elle est désormais établie. Ayant fait des études de lettres, elle préside une société de lecture locale et également une fondation ayant pour but d’aider la population, notamment du troisième âge en froid avec les outils informatiques.

Quant à Birgit, avocate et médiatrice, elle m’a suppléee en tant que juge lorsque j’étais au Tribunal tutélaire pendant mon congé maternité ayant suivi la naissance d’Ambre. Nous avons passé également de beaux moments ensemble en montagne et sur l’eau où elle nous a rejoint à plusieurs reprises avec Daniel, son ex-mari pour des vacances. Elle a été élue en juin dernier présidente de la Fédération suisse des avocates et des avocats. Je lui fais confiance pour faire avancer la cause des femmes dans le domaine de l’avocature.

En attendant Birgit à l’hôtel, nous avons appris Vincent et moi à préparer d’authentiques ti-ponches que nous vous ferons déguster à notre retour. A la première gorgée de cette boisson, j’ai pensé que j’étais devenue un fakir et que j’allais cracher des flammes. 

Nous avons loué le seul véhicule disponible à Le Marin, dans une officine qui vendait aussi des glaces et des pizzas et qui se prétendait également agent immobilier. La voiture coréenne, dont je tairai la marque par charité, était cabossée de partout. Elle était bien entendu manuelle et mieux valait ouvrir les fenêtres que de tenter d’actionner la climatisation. A la première côte et il y en a sur l’île, j’ai bien cru que nous devrions sortir pour pousser notre véhicule. Au démarrage, nous avons perdu 10 mètres et nous avons été saisis d’un sacré fou-rire.

Accompagnés de Birgit, nous sommes partis à la découverte de l’île et avons commencé notre périple le matin par la visite de la petite ville de Saint-Pierre. Celle-ci s’étire le long du rivage caraïbe et offre la plus belle rade de la Martinique. Elle est dominée par la Montagne pelée. Des ruines témoignent de la grandeur passée de la cité qui a été totalement détruite par l’éruption volcanique du 8 mai 1902. Fort de ses 30'000 habitants, le petit Paris des Antilles était alors la véritable capitale intellectuelle et économique de l’île. Après le cataclysme, Saint-Pierre a été détruite, pillée et abandonnée avant de renaître de ses cendres en 1920 grâce au précieux travail des Pierrotins. A l’heure actuelle, Saint-Pierre comporte de jolies maisons jaunes à deux étages, tournées vers la mer, juchées sur des collines, parcourues par des venelles pentues. Elle dégage un certain charme nostalgique, unique et un peu désuet.

Nous étions en train de savourer un café et de deviser à la terrasse d’un petit hôtel situé sur la rade au bord de mer, lorsque nous avons été accostés par une jeune femme Guadeloupéenne qui nous a interpellé en nous disant qu’elle avait identifié notre accent genevois et qu’elle voudrait nous saluer vu qu’elle travaille habituellement au CICR à Genève. La dénommée Lindsay nous a informés être en vacances dans sa famille en compagnie d’une autre jeune- femme de Genève, prénommée Caroline qu’elle s’est empressée d’aller chercher pour nous la présenter. La jeune trentenaire toute aussi sympathique et ravissante que Lindsay, s’est révèlée être la voisine de nos amis Raphael et Christine Soulié ainsi que d’Anita et Louis Muskens, familles que Birgit connait également très bien. Le monde est décidemment fort petit.

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World

Amusés par cette surprenante rencontre, nous avons poursuivi notre visite par le jardin de Balata, à dix km de Fort-de France. Paysagiste et horticulteur, Jean-Philippe Thoze a créée dans sa propriété familiale un splendide jardin botanique dans lequel il a rassemblé pendant plus de 20 ans près de 3000 espèces endémiques et tropicales. Nous avons pénétré au cœur d’une véritable explosion de balisiers, roses de porcelaine, hibiscus et bégonias dont les éclatantes couleurs viennent se mélanger aux orchidées, héliconias et lotus.
 

Nous avons cheminé ensuite dans une bambouseraie intense et géante, puis dans une palmeraie incroyablement diversifiée, toutes deux magnifiques. Le spectacle était splendide, notamment depuis les passerelles aériennes tendues entre les arbres à 20 mètres de hauteur. Elles tanguaient comme notre bateau, mais le vaillant capitaine qui souffre normalement du vertige, les a traversées comme si de rien n’était. Nous avons surplombé les sources d’eau, les étangs et nous étions accompagnés de chants d’oiseaux.  Un petit paradis terrestre. Nous avons admiré ensuite les pitons du Carbet et le cap Salomon.

Nous avons déjeuner à Morne le rouge et avons déguster la cuisine créole au restaurant le Bambou, construit uniquement dans ce matériau.

Nous avons parcouru ensuite de nombreux petits villages à l’architecture créole typique, soit de petites maisons de couleur souvent pastel, juchées sur les collines et cachées dans les papyrus, les bambous et les fougères arborescentes.

Nous étions dans la partie la plus montagneuse de l’ile, soit l’Ajoupa-Bouillon traversant ensuite Le Morne-Rouge.

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Pitons

Le couvre-feu nous a obligé à être de retour à l’hôtel pour 20h. De toute façon, la nuit tombe déjà à 18h et nous sommes alors plongés dans une totale obscurité.

En Martinique, il ne faut jamais être pressé pour se restaurer. Notre hôtel n’a pas failli à la coutume locale et a même battu un record, car nous avons attendu une heure pour recevoir nos boissons, une eau gazeuse et une eau plate et deux heures avant que nos plats nous soient servis. Birgit qui est plutôt du genre rapide et hyper active n’en est pas revenue, mais, devenue philosophe, a su s’adapter. Nous avons bien ri devant le comique de la situation et avons aussi compati devant l’air de détresse de la serveuse.

Le lendemain, nous avons visité la côte Atlantique, témoignage de l’ancienne activité volcanique de l’île. A l’intérieur des terres, c’est une enfilade de mornes verdoyants qui forment une barrière qui descend vers le littoral. Ce dernier est une longue guirlande d’islets avec une succession de pointes. La côte s’étire du Robert au François. Nous sommes en territoire béké. Les grandes familles de planteurs ont érigé de belles maisons coloniales, enfouies dans des jardins luxuriants. Nous avons visité l’une d’elles, l’habitation Clément. Cette plantation de sucre a été acquise en 1770. Elle s’appelait le domaine Acajou. La maison que l’on découvre aujourd’hui a été bâtie entre 1820 et 1840. Homère Clément, médecin, l’acheta en pleine crise sucrière. Passionné par le rhum, il relança cette activité grâce à la création d’unedistillerie.

Homme politique actif, il s’engagea pour ses ouvriers lors d’une grève générale en 1900. La distillerie survécut à son décès en 1923 et fut exploitée par ses fils. Le rhum Clément est fameux en Martinique. Le domaine a été racheté par le groupe Bernard Hayot en 1986. La maison dont l’image raffinée existe grâce à Sarah Clément, épouse de Charles, lui valut d’abriter en 1991 une rencontre entre les présidents Bush et Mitterrand.

Le parc comporte une exposition en plein air d’œuvres d’artistes, originaires de Martinique ou des Caraïbes. 

Nous sommes partis ensuite pour le Vauclin. Son front de mer est bordé de petites habitations créoles colorées et son quartier de pêcheurs est jalonnée de barques et de cocotiers. La région a conservé son héritage amerindien. La commune s’est diversifiée dans les cultures fruitières, notamment celle du melon, après le tabac et la canne à sucre.

Nous avons garé notre voiture à la pointe Faula, dont le cordon de sable est doublé d’herbe, ombragé par quelques cocotiers. C’est un spot génial pour les surfeurs. Après nous être faits refoulés dans deux bistrots sur le sable, nous avons été gentiment accueillis dans un troisième, récemment ouvert, le Bahia. C’est un Français du Continent qui a radicalement décidé de changer de vie qui l’exploite. La nourriture est simple, mais savoureuse.

Nous sommes rentrés à la Pagerie en fin de journée pour accueillir Dominique. Nous en avons profité pour boire des coktails dans cette bourgade charmante qu’est la pointe du Bout et « magasiner » un peu entre filles, comme dirait notre amie en provenance du Canada.

Le lendemain, récupération du Crazy Flavour et embarquement de ses nouvelles co-équipières, avec courses, avitaillement en eau et électricité, etc. ce qui nous a pris la journée complête.
 

Alors que nous étions encore amarrés le long de la darse chez CarenAntille, nous avons été abordés par un homme de notre génération qui avait repéré le drapeau suisse et le drapeau valaisan. Après avoir engagé la conversation et qu’il m’ait demandé des précisions sur mes origines valaisannes et mon nom de jeune-fille, nous avons découvert que le nommé Franck Vadi avait effectué sa scolarité avec mon cousin Claude-Alain Proz, alors domicilié à Pont de la Morge, en Valais.

Ce compatriote s’est installé à la Martinique il y a plusieurs années avec son épouse et y a ouvert une entreprise de multi services sur bateau. 

Le soir même dans la petite anse d’Arlet où nous nous sommes mouillés, nous avons été abordés par un couple suisse qui est venu nous rendre visite en annexe sur notre bateau après avoir vu nos pavillons. Ils étaient très sympas et nous les avons accueillis à bord pour partager un verre. En devisant, ces deux Valaisans nous ont raconté qu’ils passent six mois par an sur mer depuis plusieurs années et qu’ils sont normalement domiciliés à Romanel sur Morges dans le canton de Vaud. Ils se sont révélés être voisins de… mon cousin Claude-Alain Proz, ce que nous avons découvert après dix minutes de discussions avec eux.

Quelle célébrité ce Claude-Alain ! Désormais, j’annonce partout où je me déplace en Martinique que je suis la cousine de Claude-Alain.

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Arlet ponton

Dans la petite anse d’Arlet, nous avons plongé avec masques et tubas pour aller notamment observer les trois espèces de tortues qui nidifient et s’alimentent sur les côtes martiniquaises. Savez-vous que les tortues marines sont des reptiles migrateurs, classés en voie d’extinction ?

Il y a sept espèces répertoriées dans les mers du globe.

Les trois que l’on trouve en Martinique sont la verte, l’imbriquée et la luth. Nous les avons découvertes les trois.

Cependant, les tortues vertes, herbivores, sont les plus nombreuses dans les anses d’Arlet où elles ont élu domicile. « Elles broutent dans le gazon » comme dit Sébastien d’Impossible. Certaines d’entre elles sont gigantesques. Il y a aussi quelques bébés. Birgit s’est éclatée.Elle a l’habitude de plonger y compris avec les bouteilles et a été immédiatement parfaitement à l’aise avec son masque et son tuba. Elle m’a montré plein d’espèces différentes qu’elle a repérées.

Quant à Dodo, qui n’a pas plongé depuis de nombreuses années, lors de son premier round d’observation, elle a eu tendance à s’étouffer avec son tuba et je me suis marrée dans mon masque Décathlon, car je n’aimais pas non plus croquer le caoutchouc auparavant. 

A chacune de nos plongées successives, elle a pris de l’assurance. Vincent plonge avec son matériel de plongée tout neuf, acheté avant notre départ à Villeneuve, matériel qu’il a testé avec Valentine et Sébastien il y a quelques jours déjà. Il faisait beau, les fonds étaient lumineux et nous ont permis de découvrir en sus de magnifiques coraux, oursins, étoiles de mer, des bancs de poissons multicolores, des poissons trompettes, des poissons lions, des murènes et des serpents que j’aime moins croiser.

Nous sommes restés dans l’eau très longtemps et nous sommes remontés sur le Crazy Flavour assez glacés et fatigués, mais les yeux pleins d’étoiles, de mer, bien entendu.

Le lendemain, nous nous sommes déplacés dans la grande Anse d’Arlet ou Vincent a pu nous réserver une bouée pour deux nuits et rebelote. Nous avons à nouveau plongé, cette fois-ci dans mon anse préférée, dans laquelle Impossible nous a rejoints.

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Arlet

Quand nous n’étions pas dans l’eau pour un remake de 20´000 lieues sous les mers, nous étions en train de nous baigner, de lire sur le trampoline et de nous bronzer, car nos deux sirènes voulaient faire pâlir leur entourage devant leur bronzage à leur retour et leur faire regretter de ne pas les avoir accompagnées, n’est-ce pas Monsieur Pierre ?

Nous avons déjeuné une fois à l’Oasis avec l’équipage D’Akaora, Tracy, James et Nick que nous apprécions beaucoup ainsi qu’avec nos inséparables compagnons d’Odyssée Valentine et Sébastien et l’ami Norman, compatriote canadien de ma Suisso-antillaise-canadienne préférée Dodo.

Nous sommes allés déguster à bord d’Impossible après notre arrivée dans l’anse Noire la meilleure couronne des Rois à la frangipane qui m’ait été donné de savourer, préparée par Valentine. Nous avons renoncé à plonger dans cette anse comme nous le souhaitions vu la présence de méduses détectée par Sébastien.

Nous sommes partis ensuite mercredi pour l’anse aux Z’abricots pour permettre à Birgit de débarquer après le repas de midi pour se rendre à l’aéroport. Elle n’avait besoin pour sa part que d’un test antigénique qu’elle a pu réaliser dans une pharmacie alors que Dominique devait se munir d’un test PCR.

Nous avons accompagné Dodo à Fort de France pour qu’elle puisse se rendre dans un laboratoire effectuer ledit test. Elle n’a pas pu prendre rendez-vous et a dû y retourner le lendemain. Nous en avons profité pour visiter la ville. Celle-ci est pittoresque avec son marché couvert aux fruits, fleurs et légumes.

Nous sommes retournés le lendemain en bus avec Dodo pour son test, lui trouver un hôtel pour sa dernière nuit et finir notre visite de la ville. Nous sommes repartis le soir même en mer pour nous rapprocher de Sainte-Anne où nous avons rendez-vous avec le prochain équipage. 

Je vous livrerai quelques réflexions personnelles dans un prochain blog.

Bye les filles, ce fut super de vous avoir à bord pour cette parenthèse enchantée ! Bon retour chez vous.