De Cadiz à Séville

/Séville de nuit

 Il est 6.00 du matin. La rosée sur le pont est importante. Non seulement il fait humide mais presque froid. Fichtre, nous sommes en Atlantique. 
 

L’ordre de départ des bateaux de la marina a été donné la veille par Victor. Vu la petitesse des lieux et la largeur du goulot de sortie, il faut éviter l’embouteillage. 
nous partons en queue leu leu direction la bouée numéro trois du chenal d’entrée du Guadalquivir. Il nous faut compter environ trois bonnes heures au moteur pour y parvenir. Et y former un convoi qui remontera sur plus de 70 km à l’intérieur des terres. 
ce sera exclusivement au moteur. Pas de voile sur la rivière. C’est simplement interdit. 
Alors puisque ce ne sera plus permis, autant dérouler le génois pour améliorer notre vitesse au moteur, tant que nous sommes en mer. Et l’on gagne ainsi un demi noeud.
Le café et le premier Birchermuesli non concocté par nos amis d’Outre-Sarine nous accompagnent jusque vers 10.00.

La flotte se regroupe. Et sous la direction de Victor, sis dans son vaisseau amiral, un Outremer 55, bien connu sur YouTube sous son appellation de Great Circle, nous nous mettons en séquence, selon un ordre communiqué par e-mail et par oral en direction de Séville vers 10.30.

Il nous échoit de fonctionner comme voiture-balai. Et de tenir informé le bateau de tête de la vitesse de fin de convoi et de tout éventuel aléa. 

En bref il nous faudra stimuler ceux qui tardent un peu et surtout éviter que le «serpent » ne s’étende par trop lors de cette remontée féerique. 
 

Ce sera plusieurs heures de lignes droites précédées et suivies de courbes dans un paysage sauvage mais parfois cultivé, notamment des rizières. Une réserve animale qui compte plusieurs milliers d’oiseaux nous entoure et on la traverse respectueusement, chacun stupéfait de tant de sérénités sauvages.


L’eau est brune, souvent épaisse de bois et branchages. Et il faut attentivement respecter la signalisation qui nous fait laisser les bouées rouges à bâbord et les vertes à tribord. Attention à la descente ce sera l’inverse ! 
 

Carlos et Olivier sont également pris par la magie de ce trajet continental. Celui-ci trouvant que l’on pourrait se croire en Afrique et s’attendre à voir un hippopotame surgir soudainement. Celui-là, contemplant l’horizon sans mot dire, en pleine méditation.

 

Pour Carlos qui est originaire d’Andalousie, c’est en outre une forme de retour aux sources, au propre et au figuré. On le sent aimer cette terre dont il est 100% issu. Et comme il s’apprête à entreprendre beaucoup de choses à son retour, on le comprend songeur et probablement soucieux de s’imprégner à fond de tout cet environnement avant de se lancer. 

il ne faut pas (jamais) oublier de se nourrir. Filets de bœuf achetés au marché couvert de Cadix et salade de tomates comblent l’équipe. 

L’air devient plus chaud, mais reste supportable. Les mouches font leur apparition et l’on se prend à penser que la nuit l’on serait probablement victimes d’essaims de moustiques voraces dans ces zones humides. 

La cohorte de bateaux  bénéficie sur presque tout le trajet d’un courant porteur d’environ  deux noeuds, de sorte que pour maintenir une vitesse de l’ordre de six noeuds, voire plus, les moteurs ne tournent pas à plein régime. Tous les catas fonctionnent sur un seul moteur. 

Vers 18.00, nous approchons de l’écluse. Victor relaye à la flotte que nous passerons en même remps qu’un bateau d’excursion, le bien nommé la Belle de Cadix qui doit nous dépasser. 
 

Il nous faut ancrer et attendre 30  minutes cette « Belle » très désirée. 
 

Puis c’est la ruée dans l’écluse dont seront finalement exclus les 4 derniers, pour cause de surnombre. Nous faisons partie des exclus qui attendent trente minutes supplémentaires pour passer dans un deuxième lot. Comme le dit si bien Olivier, attendre dans un endroit pareil alors que le soleil vire au rouge est une bénédiction. Il n’empêche la journée commence à être longue. 
 

Le passage de l’écluse à 4 catamarans, alors que l’horizon s’enflamme, est une simple formalité. Mais pour nous qui devrions connaître les écluses de Panama c’est une forme d’apprivoisement. 
 

Séville nous voici. Mais tu te refuses encore à nous. Nous sommes tous mouillés à l’ancre devant un pont que l’on ne remontera qu’à 22.00, pour dix minutes seulement. 
 

Tant la manœuvre de passage rapide de ce pont levé  que le « parcage » qui suivra sont détaillés par Victor à la VHF, en anglais et en français. L’on sent chez les auditeurs attentifs une certaine impatience d’en finir.

 
A 21.45, les ancres sont levées et les voiliers se rapprochent tous du pont pas encore levé, poussés par un vent arrière qui augmente. 
 

Certains avancent doucement, d’autres se stabilisent,  alors que certains un peu effrayés par l’amoncellement, reculent. 
Mais lorsque le pont finit s’ouvrir, tout ce beau monde s’engouffre, soucieux de ne pas rester en rade, si j’ose dire. 
 

Nous franchissons le pont en dernier.
 

Commence alors une attente supplémentaire de 45 minutes, à stabiliser le bateau contre un léger courant, pour attendre que nous puissions rejoindre notre place. Le quai étant finalement trop court, il nous faudra nous mettre à couple, parfois a trois bateaux. 

Victor nous place enfin, après une certaine tension liée au placement non optimal des premiers bateaux, tension perceptible sur la VHF et par des éclats de voix, à quai. Viendra à couple avec nous Impossible (Sebastien et Valentine), ce qui nous convient fort bien.

Voilà, il est l’heure d’un single malt avec nos voisins puis d’aller trouver un sommeil réparateur après plus de 18 heures sur (et quelques secondes sous) le pont. 

Demain on visitera Séville.