Carthagene Motril

Soleil couchant sur Gennaker

De Carthagene, que nous quittons résolument le vendredi matin à 8.30, nous comptons rallier Motril en une trentaine d’heures.
Une fois encore notre logiciel nous propose d’allonger la route d’environ 20 milles pour rejoindre des zones résolument plus ventées. Mais voilà. Après des débuts prometteurs, nous sommes forcés de nous rapprocher du cap Gato sans pouvoir tenir la route proposée. La faute à qui ? A notre Gennaker ou au skipper ?
Pour les non initiés, un Gennaker rien à voir avec un gène spécialiste de hacking. Le Gennaker est une voile d’avant qui s’installe à la toute pointe du catamaran, sur ce qu’il est convenu d’appeler un bout dehors. Il est envoyé presqu’en haut du mât, et lorsqu’on le déroule il fait apparaître en comparaison notre génois comme ridicule en taille. Ce Gennaker permet à notre vaillant catamaran de progresser pratiquement à la vitesse du vent. Mais il nous crée un vent apparent de plus de trente degrés plus près du vent. 
je sais, pour avoir lu plus d’un de nos presque 300 lecteurs, que la partie pourtant peu technique d’un précédent article en avait surpris plusieurs. Qui m’avaient avoué ne pas m’avoir compris. 
je retente l’expérience. 
Lorsque le vent souffle à 90 degrés de ma route et que je suis à l’arrêt, je sens le vent qui me vient exactement de côté, soit par le travers. 
Mais si maintenant j’avance à la moitié de la vitesse du vent, j’aurais l’impression que le vent me vient un peu de devant. Mes instruments de bord me préciseront vent réel à 90 degrés et vent apparent à 60 degrés.  Si j’ai une vitesse égale à celle du vent, le vent réel reste le même, mais mon vent apparent passe à 45 degrés. 
Or le drame du Gennaker est qu’il ne dépasse difficilement, vu sa taille et son creux, un cap à 55 degrés du vent. Donc l’on ne peut guère l’utiliser a plus de 90/100 degrés du vent, notamment par vent peu important, où notre composante vitesse crée un vent apparent très vite trop frontal. 
 

Après avoir quitté Carthagene avec un vent de EstNordEst (« ENE »), nous pouvions tenir aisément notre Gennaker, le vent réel venant légèrement de l’arrière à 120 degrés et le vent apparent oscillant entre 85 et 75 degrés du vent. 
Mais progressivement le vent est passe à l’Est pour finir au EstSudEst (« ESE »). Impossible de tenir le cap dans ces conditions. Il fallait choisir entre ranger le Gennaker pour revenir au génois et perdre au moins deux noeuds de vitesse, ou garder ce fabuleux « moteur vélique », mais renoncer à tenir le cap et pointer vers des zones réputées moins ventées proches du cap Gato. 
Je ne sais plus quel auteur ou philosophe a expliqué que tout renoncement s’accompagne d’une forme de pari plus ou moins biaisé sur l’avenir. 
Bref, nous décidons de garder notre Gennaker, mais trahissons le plan concocté par notre logiciel météo. Avec la bonne conscience supplémentaire que ce trajet modifié va considérablement nous raccourcir la route. 
Ce fut l’échec qui vint après le coucher du soleil. L’on vit la vitesse descendre, la mer se calmer et le vent ne plus souffler ou presque. Comme l’a dit Olivier ce soir là, rien ne prouve que si l’on avait suivi la route du logiciel, l’on aurait trouvé du vent…

Alors que ronronnait le moteur, je bougonnais intérieurement. On avait allongé initialement la route pour trouver des airs et l’on se retrouvait avec une route plus longue et au moteur. J’avoue très humblement avoir ressenti une certaine lassitude et peu d’écoute pour l’attente exprimée peu explicitement par Fabienne pour un quart romantique sous les étoiles. Bref, sans doute coupable d’être resté sur Mars sans voir Venus, mais avec des circonstances très atténuantes. 
Après plusieurs heures de moteur, mais en bénéficiant de courants favorables nous apercevons vers midi Motril.
L’idée nous vient de nous baigner. Elle est plus chaude que l’on le redoutait. Probablement autour de 23 ou 24 degrés. Et l’on en profite pour essayer de décrasser les hélices et nettoyer la coque sur les côtés, grâce à l’infatigable Pascal, monitoré par Blanche. 
C’est requinqués que l’on arrive à la petite mais sympathique marina de Motril vers 15.00, porte d’accès pour nous rendre le lendemain à Grenade. On se réjouit de visiter le palais de l’Alhambra, et la ravissante vieille ville.