Cap sur le Crazy Flavour
Écrit par Fabienne le 25/04/2022

Cap sur le Crazy Flavour arrivé il y a quelques jours de sa traversée du Pacifique et se berçant dans la baie de Taiohae à Nuku -Hiva aux Marquises.
Ce dernier va reprendre l’océan pour venir nous embarquer à Hiva-oa.
Pour y arriver, j’ai dû traverser la terre dans les airs en compagnie de Chantal Bordier. Irène Iselin et Manuelle Pernoud l’ont déjà fait la semaine précédente et sont arrivées pour défricher le terrain et nous faire part de leurs découvertes polynésiennes. Nous devons les rejoindre au Royal tahitien où elles nous attendent pour la suite du voyage.
Avant même de songer à embarquer, nous avons dû surmonter un certain nombre d’épreuves administratives et sanitaires. Un vrai parcours du combattant.
Juste pour transiter aux USA, il a fallu obtenir un visa, l’ESTA. On retrace son arbre généalogique, ses appartenances politiques, ses derniers actes terroristes, ses voyages en Irak, en Iran, en Afghanistan qui ne nous permettront même pas de songer à survoler le territoire américain. Ensuite, on en vient à des questions plus intimes : nos addictions, nos tares, nos préférences sexuelles. Enfin, on remonte à notre naissance pour les otites, les rhumes, la dengue, la malaria, le typhus et j’en passe. Je n’exagère qu’un chouilla.
Après quelques jours lors desquels notre dossier est épluché, nous obtenons le graal et avons franchi la première épreuve pour pouvoir poser le pied sur le sol américain pour moins de trois heures.
Deuxième étape, nous devons obtenir un test covid anti-génique négatif, 24 heures avant le départ. Quel stress, vu la fluidité d’Omicron en Suisse et à Genève notamment et vu ma furieuse envie de rencontrer mes amis avant de repartir.
J’opte pour un délicat mélange entre l’isolement et le cloître et mon besoin de socialiser. Je me charge de mana et je fais déjà la danse du hakka contre les virus. Pas seulement omicron, car la troisième étape consiste à remplir une déclaration sur l’honneur attestant que je n’ai aucun symptôme de fièvre, mal de gorge, toux, dysenterie, rage de dents…Vu le climat genevois qui s’est subitement rafraîchi sous la bise, cela tient désormais du miracle si je n’ai pas au moins un mini rhume, ne serait-ce que des foins. Une autre déclaration sur l’honneur ETIS est sollicitée à l’identique pour entrer en Polynésie.
Chantal pour sa part a opté pour le scaphandrier au travail et doit sans arrêt rassurer ses collègues sur le fait qu’elle n’est pas atteinte de la lèpre. Telle un ermite, elle ne rencontre plus âme qui vive le soir et s’enferme à double tour à la maison.
Nous nous retrouvons samedi au tomber du jour devant Pharma 24 pour la roulette russe. Positive ou négative ? Les deux infirmiers sont très sympas et se dépêchent de nous livrer les résultats après 15 minutes de suspense intolérable. Hurrah. Nous allons pouvoir rejoindre nos marins à l’autre bout du monde dès demain matin. Il faut encore se précipiter pour effectuer les achats de dernière minute sollicités par nos Ulysse. Ils devront déchanter. Si le café, le chocolat, les biscuits et les magazines sont permis, il n’est pas question de leur amener de la viande séchée, des fromages et du bircher.Ce qui est toléré aux USA ne l’est pas en Polynésie et inversement. On se rattrape sur les quantités de produits autorisés.
Dimanche matin, Ambre vient me chercher avec sa ravissante voiture violette et me conduit gentiment à l’aéroport. Nous devons les revoir elle et son frère avec leurs jolies valeurs ajoutées à fin août aux Seychelles pour célébrer nos retrouvailles et la fin de notre périple sur les océans. Bye, bye à ma chérie.
Lorsqu’au comptoir d’Air France ma valise est pesée, elle atteint 22kgs que de café, lapins de Pâques, boîtes de chocolat et autres produits de confiserie. J’ai un maillot de bain, deux t-shirts et un short ainsi qu’une trousse de toilette, le reste de mes affaires étant sur le bateau.
Le périple peut commencer. Une heure dix de vol entre Genève-Cointrin et Paris-Charles de Gaulle. Onze heures cinquante entre Paris et Los Angeles où nous sommes priées de sortir de l’avion avec tous nos effets personnels et de repasser le contrôle des frontières et de l’immigration. Heureusement, nous n’avons pas à récupérer nos valises.
Chantal et moi fulminons. Personne ne contrôle nos passes sanitaires, nos tests covid négatifs et nos déclarations sur l’honneur de nos éclatantes santés. Après tous ces efforts, c’est vraiment frustrant. Par contre, nos empreintes palmaires sont relevées ainsi que nos bobines. Nous devons retirer brièvement nos masques pour sourire à l’objectif. Je précise que nous ne sommes pas autorisées sauf pendant le repas à les enlever durant toute la durée du voyage.
Nous repartons pour un vol de neuf heures cinquante jusqu’à Papetee. Nous sommes en économique premium et avons tenté d’être surclassées en vain, les vols étant complets et la seule offre étant entre Genève et Paris, ce qui ne nous intéressait guère. Nous arrivons à ma grande surprise à nous déplier pour sortir de l’avion et je suis particulièrement admirative devant Chantal qui atteint à l’aise 1m80.
Pour ma part sur chaque vol, je regarde un film, déguste mon plateau repas et croque dans un bonbon miracle qui me fait dormir quasiment jusqu’à l’atterrissage, car je n’en prends jamais autrement. Chantal garde le contrôle et ne dort pas. Elle se contente de prendre régulièrement de l’aspirine recommandée par notre amie Cécile Girod pour lui éviter une migraine.
Il est 5h du matin quand nous débarquons à Tahiti, mon rêve.
Un petit orchestre fort courageux vu l’heure matutinale entame de douces mélopées et nous nous mettons immédiatement dans l’ambiance et au rythme polynésiens. Un avion après l’autre et pas tous ensemble. Il fait proche des 35 degrés dans l’aérogare et pendant une heure, nous n’avançons pas d’un pas, même de danse. Je ne déchante pas, car je plane toujours après mes deux pilules du sommeil, une pour chaque vol. Tout d’un coup, la file se met en marche et nous franchissons presque en courant l’immigration qui se fiche totalement de la liasse de documents que je lui présente ainsi que de mon attestation sur l’honneur que je suis en pleine forme.
Nous récupérons au pas de charge nos valises et nous nous trouvons plantées devant le bureau de change de l’aéroport pour changer nos euros en francs pacifiques, bureau dont le panneau annonce que son fidèle employé va revenir dans 5 minutes. Cinquante minutes plus tard, nous nous résignons vaincues à prendre un taxi et à abandonner le siège du change,nous promettant de le faire en ville dans une banque ou un bureau de change. Raté ! Depuis le début de l’épidémie de Covid, aucune banque ne pratique désormais du change et tous les bureaux de change ont fermé. Seul le bureau de change de l’aéroport a ce privilège, mais il ne faut pas se fier aux horaires affichés. C’est selon l’humeur du titulaire. On ne peut d’ailleurs changer que 500 euros par personne et par jour, c’est pratique…
De notre taxi, la traversée de Papetee me fait penser étrangement à celle d’Annemasse pour les connaisseurs. Je me prends à songer que cela doit provenir des traces laissées par mes somnifères…
Arrivées au Royal tahitien nous sommes accueillies par nos deux vahinés préférées qui nous accordent l’hospitalité de leur chambre pour nous permettre de nous rafraichir et de nous reposer, notre propre chambre n’étant pas prête avant le début de l’après-midi.
Je m’écroule sur un lit et Chantal en fait autant.
C’est le début de mon rêve tahitien.