Bye bye Bora Bora
Écrit par Vincent le 09/07/2022

Nous sommes le 4 juillet au matin. Il fait beau, mais des pluies importantes sont tombées pendant la nuit
Il est convenu qu’Olivier passe nous prendre pour une balade dans le pied du massif montagneux qui se trouve au centre de l’île. Nous sommes heureux d’aller nous dégourdir les jambes. Les premières montées sont rudes et le soleil tape. Mais confusément, tout le monde est heureux de grimper ces abords de la montagne principale qui parait abrupte. On retrouve grâce à Olivier et son GPS les deux canons qui gardent la baie et qui sont là depuis 70 ans. Passablement rouillés à la base, nous contemplons ces pièces fort lourdes en nous demandant comment elles ont pu être tractées jusqu’à cette hauteur.

Puis Olivier se met en tête depuis nous faire passer par un chemin au pied des falaises. On commence à grimper en s’accrochant aux branches et à pédaler des pieds dans un terrain humide et glissant. L’on arrive au pied des falaises pour constater qu’il s’agit de la voie d’accès au sommet principal et qu’il faut redescendre par où l’on est venu, si l’on veut rejoindre le village de Vaitape.
La vue est certes belle, mais je ne suis pas très content. Ce n’est pas vraiment sur ces pentes hostiles que j’ai envie de risquer de m’esquinter, moi qui vient de survivre neuf mois en mer, sans pépin majeur.
Chacun à tour de rôle, manque de finir sur les fesses, comme Nicoline, ou de se tordre une cheville, comme Carlos, voire de perdre la maîtrise de la pente. Lorsque mon tour de glisse impromptu arrive, je parviens, dans un réflexe dont je ne me croyais pas capable, à me détendre pour attraper une grosse branche au dessus de moi. Ouf. Olivier applaudit, dommage que l’on n’ait pas filmé le passage de Vince le gorille accroché à sa branche.
On arrive finalement au village, après plus de deux heures de marche sportive. Une route surchargée de véhicules nous relègue sur les bas côtés. Au centre de l’agglomération principale de l’île, un espace a été aménagé et construit pour le Heiva. Une grande esplanade en sable a été aménagée pour les danses et les chants. Des gradins pour accueillir les spectateurs et derrière ceux ci une construction provisoire avec trois restaurants.
Olivier déclare à la troupe qu’il lui faut sa ration de Coca avec sucre, vu l’effort conséquent intervenu. Et nous on aimerait bien manger un morceau. On s’installe sur une terrasse et l’on peut assister en direct à l’arrivée d’une course en pirogue, qui a duré plus de 90 minutes. Les rameurs sont essoufflés et marqués par l’effort. Les écarts sont peu importants. Les pirogues construites avec des matières composites resplendissent sur l’eau.

Visiblement les habitants de l’île se partagent entre ceux qui cultivent leur anatomie en pagayant chaque jour et ceux qui dégustent plus que de raison les boissons sucrées et accumulent les lipides.
Nous retrouvons à notre table Aurélie et Clara qui reviennent de deux plongées avec bouteille.
Aurélie est enchantée. Elle a pu approcher des raies manta et se dit heureuse d’avoir atteint son but.
Nous passons l’après midi à nous détendre sur la terrasse et profitons de la piscine de de la villa louée par nos amis. C’est agréable de n’avoir pas grand chose à faire. nous pouvons échanger calmement sans pression de temps où d’horaire. Et je sais Crazy Flavour en sécurité.
De son côté, l’infatigable Nicoline effectue un tour de l’île en scooter. Je pense que de quitter le groupe quelques heures lui fait grand bien, sans avoir à subir l’inertie de celui-ci.
Le soir même, nous invitons nos amis à bord pour des authentiques spaghettis bolognèses, là aussi en toute décontraction. Nous savourons une fois encore le fabuleux coucher de soleil depuis le trampoline à l’avant. Plus que jamais, je me prends à me dire que l’on ne rêve pas et que l’on assiste à un bien magnifique spectacle, amarré juste devant le Yacht club de Bora Bora.
Je sens toute l’équipe réunie, qui s’entend fort bien, passer une très bonne soirée, du type de celles dont on se souviendra encore quelques années plus tard. Même Clara, 10 ans dont la puissance de feu intellectuelle s’explique, en partie en tout cas, par les heures passées avec des adultes, s’en souviendra longtemps. Elle venue comme ses parents avec le polo Crazy Flavour.
Le lendemain, nos amis quittent leur villa tôt le matin et doivent rejoindre le «Four Seasons » en début d’après midi. Ils nous proposent de nous joindre à eux pour un tour guidé du lagon en grande pirogue. Nous sommes accueillis au ponton du Yacht club à 9.00 par Mana, un sympathique marin-guide qui manie son canot assorti d’un flotteur de main de maître.
Carlos de son côté a voulu effectuer une double plongée. Il ne sera donc pas des nôtres. Respect pour la passion qui l’anime.
L’on commence par sortir du lagon pour s’amarrer à une bouée à environ deux cent mètres de la barrière de corail. A peine le moteur est-il arrêté que l’on voit une dizaine de requins Pointe Noire se diriger vers notre grande pirogue. Mana nous explique qu’ils viennent par curiosité dès qu’ils entendent un moteur. Sont-ils nourris par les guides ? Non, c’est interdit depuis 2017, mais certains le feraient encore, de même que les pêcheurs qui, lorsqu’ils reviennent de leur pêche, leur jettent des déchets.
On se met vite à l’eau, par 15 mètres de fond, pour constater que ces requins ne sont guère effarouchés et aucunement agressifs. Un me passe sous le ventre à moins d’un mètre. Ils ont une taille entre 1.5 et 2 mètres. Ils s’éloignent vers un autre bateau et reviennent peu après vers nous. Ils sont curieux mais clairement très habitués à côtoyer des humains qui nagent parmi eux.
Puis nous progressons vers un autre spot, de retour dans le lagon. Il y a là une autre paire de bouées. Mana s’y accroche très habilement et saute rapidement à l’eau pour en ressortir une raie dans ses bras, qu’il appelle affectueusement Lili et à qui il prodigue caresses et bisous. C’est incroyable comme il y a une forme de complicité voire d’affection réciproque entre ces deux. On peut venir caresser Lili qui littéralement enserre Mana avec ses ailerons et « l’embrasse » sur le torse avec sa bouche située dans la partie plate de son anatomie. Lorsque j’essaie de prendre Lili dans mes bras. Celle-ci s’échappe pour retourner dans les bras de Mana. Même chose pour Olivier. Il y d’autres raies qui nous tournent autour des mollets, mais sans la même familiarité que Lili.

En chemin vers le spot suivant, nous repérons une troupe de raies léopards qui nagent assez profondément ; nous nous glissons promptement à l’eau pour en observer une bonne cinquantaine entre 6 et 15 mètres de fond.
L’étape suivant consiste en une nage dans un dédale de patates de corail. C’est tout proche de l’angle Sud-Ouest de la barrière de corail et les courants sont assez présents. La diversité des coraux est grande et l’endroit est bien préservé. Il est hautement conseillé de ne rien toucher. Nous nous suivons en palmant. Je retrouve les fonds marins et les coraux que j’aime tant, et je suis ébloui par la diversité et les couleurs de cette merveille de la nature.
Ce sera dur de quitter ces coraux, un jour finalement assez prochain.
Il est prévu ensuite de gagner l’aquarium, soit un espace dans lequel nagent des milliers de petits poissons de toutes les couleurs. Visiblement l’endroit est entretenu et les poissons alimentés pour être ici en si grand nombre. Ils ne semblent d’ailleurs aucunement craindre les nageurs.
Nous remontons le lagon sur lequel donnent les estacades chargées de bungalows des grands hôtels, qui sont basés sur le Motu Est de l’île. Il y en a onze sur l’île et ses motus.
Cela va être le lieu de notre séparation. Nous laissons sur le quai nos trois amis, après de fortes embrassades. C’était vraiment très agréable de partager ces moments ensemble au bout du monde, en toute amitié. Ils iront encore à Rangiroa, passeront une semaine en Californie puis rentreront enfin sur Genève. Belle manière en plusieurs semaines variées de célébrer la fin des interdictions de voyager que nous a imposées la Covid.
Nous finissons la boucle avec Mana qui nous posera au Yacht-club. On retrouve sur le bateau Carlos, qui a plongé avec les pointes noires et qui est allé s’approcher, dans une deuxième plongée, des raies léopards.
Le soir nous nous rendons au village pour nous installer dans les gradins avant d’assister aux chants, déclamations et danses de deux troupes. Le spectacle est rythmé par les tambours. Le spectacle est certes suivi par des touristes, mais aussi par de nombreux habitants locaux.
Les danses, avec une centaine de danseurs et danseuses, qui se déplacent et effectuent des chorégraphies très spectaculaires et assez exigeantes sur un plan physique, sont magnifiques et envoûtantes. Les costumes sont colorés et splendides. Bref c’est à regret que l’on quitte le lieu de fête après 22.00.

Le lendemain, Carlos et Nicoline nous quittent, alors que Louis Bretton et Mathieu Fischer arrivent, après plus de trente-six heures de voyage.
Le soir nous sommes invités à bord de Chap’s pour un très sympathique cocktail. Le lendemain leur fils, belle-fille et trois petits enfants débarqueront de l’avion. Je remercie vivement Marie-Laure d’avoir soutenu Fabienne par de nombreux messages très profonds. Et je lui explique que mes beau-parents sont hospitalisés en altitude à la clinique de Montana et se rétablissent progressivement.
Il est de tradition de dire deux mots de ceux qui ont navigué sur Crazy Flavour et nous quittent.

Honneur à Dame Kooger-Infante d’abord. Nicoline est une femme qui combine forme physique, caractère, générosité et charme. Elle est décidée et cherche inlassablement toute forme d’activité possible. Elle aime dit-elle le repos et le farniente, mais n’y goûte effectivement que rarement. Elle sera excellente dans la mise sur pied d’une visite ou d’une expédition, maîtrisant à la perfection l’approche par internet d’abord, puis par téléphone ensuite, de tout fournisseur de services polynésiens. Ne négligeant pas le plaisir que procure un verre de (bon) vin partagé en bonne compagnie, Nicoline mange très sainement et sait imposer des produits frais à tout l’équipage. Bref, elle repart heureuse de ce break bienvenu, même si sa culpabilité (naturelle ?) de mère lui fait regretter d’avoir manqué la cérémonie de maturité de sa fille cadette. Qui lui pardonnera, quand elle aura compris à quel point sa mère avait besoin de ces couchers de soleil de Polynésie, de l’empathie de ses habitants et d’apprécier la navigation «pacifique» sur Crazy Flavour
L’empathie, précisément, et l’intelligence émotionnelle sont les marques de fabrique de Carlos, auxquelles s’ajoute l’envie de rester sportif, « fit », donc jeune, lui qui dit, à demi-mot, redouter de devenir un jour grand-père. Il y a sans doute un peu de travail encore à faire pour accepter l’âge fatidique qui s’approche à fin août. Mais Carlos est avant tout un jouisseur de la vie. Celle qui lui permet d’apprécier tout ce qui est beau à voir, à contempler, ou bon à dévorer, même si en quantité souvent limitée, en particulier les haricots, commandés en sus du plat principal.
Carlos sait s’arrêter. Il a même besoin de ne pas aller trop vite. Et surtout il sait jouer du temps alloué pour vite effectuer encore quelque besogne ou tâche non urgente, au risque de provoquer retards et irritations de groupe. Parfois indécis, il saura toujours tirer son épingle du jeu et maximiser les options possibles jusqu’à l’après dernière minute. Extrêmement attachant, il sait être en permanence très attentif à autrui et au bonheur de ses voisins. Dont moi.
Vous l’aurez compris, ce sont encore des gens qui comptent lourd qui sont partis. Alors que Fabienne avait dû faire son sac très rapidement, ils ont discrètement mais infailliblement soutenu leur skipper resté à bord.
D’ailleurs, lors de leur dernier entretien, Valentine leur a dit à quel point les amis de Fabienne et Vincent leur devenaient chers. Message ici transmis aux précédents.
Voilà, nous sommes de nouveau quatre à bord et les marques se prennent facilement. Nous allons le 7 au matin faire quelques courses en posant Crazy Flavour à quai. Puis nous nous amarrons à une bouée dans la baie Sud-Ouest, où le coucher de soleil est tout juste aussi incroyable que les précédents. L’après-midi, nous sommes allés en Crazy Fabi retrouver Lili et ses congénères. Lili vient tourner autour de nous. Nous reconnaît-elle Antoine et moi ? Je ne sais pas. En tout cas elle ne saute pas dans mes bras. Mais je vois à sa façon de se rapprocher de nous qu’elle n’a aucunement peur de nous.
Le matin du 8 juillet, nous apprenons l’assassinat de l’ancien premier ministre du Japon et l’acquittement de MM. Platini et Blatter.
Antoine a bien réussi son examen de pharmaci, passé juste avant de nous rejoindre. On le félicite. C’est le moment, après un solide petit déjeuner, de larguer les amarres et de quitter Bora Bora.

Je ne regrette pas d’y être venu. Et je regrette déjà tous les bons moments que j’y ai passé avec tous mes amis. C’est la vie, c’est la vie, chantait Dutronc, le vieux, Jacques, pas le jeune, Thomas.
Tu verras Carlos, on s’y fait d’avoir plus de 60 ans.
PS: avis exprimé par Dominique, venu de Fou de Bassan ce jour à bord. Eh, bien l’on voit qu’il n’y a plus de femmes à bord. Fabienne comprendra que Dominique est un nostalgique de sa présence à bord. Je le suis aussi.