Après Panama

Perlas

Après Panama

 

Nous quittons la marina Flamenco le dimanche à midi, après avoir fait le plein de diesel. Le passage du canal, soit environ 18 heures par moteur, mais beaucoup au point mort dans les écluses, ne nous a pas fait consommer outre mesure, dès lors que 40 litres remplissent nos deux réservoirs à ras bord. La traversée sur les Galápagos s’annonce calme à très calme, et mieux vaut avoir du diesel en profusion, si l’on doit faire plusieurs jours au moteur.

 

Nous allons mouiller devant la Marina de la Playita pour l’après-midi et la nuit. Patrick Nussbaum qui a rejoint le bord le 4 au soir, demande de pouvoir finir quelques documents et avoir du temps pour rédiger et envoyer des e-mails et faire quelques téléphones. Spyro a aussi un sanglier sur le feu qui requiert quelques communications.

 

La veille au soir, nous avons reçu les dernières instructions de Luc et Victor lors du skipper’s briefing, après une journée de courses dans deux supermarchés. Il ne fallait rien oublier, vu l’absence de tels supermarchés jusqu’à Tahiti dans trois mois. Les lieux de réapprovisionnement seront plus modestes aux Galápagos et aux Marquises.

 

Nous avons décidé de partir lundi matin tôt pour rallier l’île de Contadora au nord des îles Las Perlas.

 

Levée de l’ancre à 6.00 et un peu de voile, avec Grande Voile et Gennaker. Mais très vite le vent se calme et nous progressons au moteur avec le courant de la marée descendante. Ici côté Pacifique, le marnage atteint environ 4 mètres entre pleine mer et basse mer. C’est un nouveau facteur à prendre en compte lors des mouillages, notamment

 

Nous sommes heureux d’être enfin partis. Moi un peu mélancolique que ce soit sans Fabienne, que je sais cependant bien arrivée en Suisse.

 

A l’heure du repas de midi, le vent revient à force deux et nous glissons à 5/6 kn en nous approchant de cet archipel par le nord.

 

Nous arrivons dans une baie au sud de Contadora. Nous y trouvons d’autres voiliers et yachts à l’ancre, l’idée étant de descendre à terre avec le dinghy pour compléter encore un peu les provisions.

 

Nous identifions au loin une structure métallique importante avec des pieux qui ressortent de l’eau. Il y a une plateforme qui monte et qui descend le long de ces pieux avec des aménagements permettant à des bateaux de s’amarrer des deux côtés de ce quai flottant relié à la terre par des escaliers et des constructions assez imposantes.

 

Nous amarrons notre dinghy et empruntons l’escalier qui permet de parvenir à une plateforme qui relie l’installation à la terre. Personne ne nous demande rien, nous passons tout droit.

 

Longeant ensuite une piste d’aviation, nous allons faire nos courses dans deux épiceries pompeusement nommées supermarché, puis buvons un verre.

 

La vie est belle, l’ambiance détendue et les sujets de conversation aussi abondants que divers. Il faut dire que Patrick, qui est l’ancien chef de l’information sur la radio romande RTS, est un redoutable interviewer et meneur de discussions.

 

De retour, sous un certain cagnard à la plateforme nous tombons sur sur un jeune homme de 20 ans environ, l’air pas très futé, mais qui tient à la main un carnet de factures avec souches. Patrick qui parle espagnol nous indique que ce jeune homme nous réclame 30 USD pour avoir accosté sur un quai privé. Et nous remarquons au passage que notre dinghy a été amarré de l’autre côté du quai.

 

S’ensuit une discussion à la fois entre nous et avec ce perçepteur de taxes privées, qui se livre à un exercice qui ressemble furieusement à du racket.

 

Au bout de diverses discussions et propositions toutes refusées, nous lui demandons d’appeler son chef. Patrick se voit passer un portable sur lequel s’exprime un panaméen en anglais avec un accent fortement nord américain.

 

L’homme explique qu’il s’agit d’une Marina privée, alors qu’il n’y a aucune Marina, mais seulement quelques bouées proches du rivage. Il indique que le passage et l’usage de sa propriété entraine le droit d’une perception d’un « fee » de 30 USD. Ce à quoi nous rétorquons que le tarif et le principe de la perception ne sont nulle part indiqués. L’homme tient bon, et nous nous demandons comment sortir de ce mauvais pas. Sur le principe, pas question de payer. Mais perdre une heure de plus et courir le risque de se retrouver à faire face à des autorités panaméennes (police ou aéronavales), non merci.

 

J’écoute à distance la discussion entre Patrick et le propriétaire. L’entendant insister à plusieurs reprises sur le fait que nous utilisons sa propriété privée, il me vient à l’idée de lui proposer par le truchement de Patrick, de regagner notre dinghy à la nage depuis la plage distante de 100 mètres, et de ne plus utiliser son installation. L’homme à notre surprise accepte immédiatement. Il nous demande de lui passer son représentant pour lui parler et l’instruire en ce sens.

 

Nous jubilons.

 

Un peu après lorsque nous réalisons que la plage que nous voyons toute proche est quasi inaccessible.

 

Damned.

 

Il faudrait visiblement passer par des propriétés privées.

 

Qu’à cela ne tienne, je pousse une porte d’entrée d’un jardin et pousse des «ola» sonores et nombreux. A force de m’époumoner l’on me répond de la propriété d’à côté. Une femme dans la trentaine me répond gentiment. Je lui explique en langues anglaise et espagnol, qu’il nous faut passer par un jardin pour gagner la plage et nager ensuite au dinghy.

 

La femme est souriante, et après m’avoir examiné des pieds à la tête décide de me faire confiance. Elle me dit de faire et le tour et de rentrer par son entrée. Je me présente avec les trois autres et lui confirmons que nous venons de Suisse. Ce qui est le meilleur des sésames.

 

Nous comprenons qu’elle est en réalité une sorte de concierge de cette villa de luxe avec piscine dominant la plage et la mer.

 

Nous progressons derrière elle vers la plage en contrebas et identifions un passage sur les roches qui nous rapproche furieusement de la passerelle.

 

Pierre et moi décidons de plonger en slip pour rejoindre le dinghy qui n’est plus qu’à 40 mètres sur la passerelle.

 

Spyro et Patrick attendent sur place avec les affaires et nous réussissons à tous embarquer et rallier le Crazy Flavour sans autre incident.

 

Bilan de l’opération : nous n’avons rien payé et pour le propriétaire l’honneur est sauf.

 

A la réflexion, c’est ce qui a probablement guidé la sienne, soit de ne pas vouloir perdre la face devant son subordonné et de nous imposer une baignade dans un océan transparent à 24 degrés.

 

Chacun en sort intact. Nous, mouillés pour deux d’entre nous, mais heureux de ne pas avoir cédé au racket. Lui, qui ne pourra se voir opposer un quelconque précédent de gratuité. Mais on se promet de lui faire de la pub !

 

Nous levons l’ancre et allons mouiller à deux milles de là, à Chapera. Le guide indique que c’est dans cette île que s’est tournée la série télévisée Survivor, que je ne connais pas.

 

Nous mouillons dans 9 mètres de fond avec 50 mètres de chaîne. La baie est calme et seul un García portant pavillon américain se trouve dans les environs. L’environnement est paradisiaque et nous savourons la fin d’une magnifique journée autour d’un poulet curry et riz, repas délicieux s’il en est.

 

Le lendemain, nous partirons pour le sud de l’archipel, voire pour les Galápagos. Il nous faudra entre 6 et 7 jours en fonction du vent et de son orientation pour rallier cet archipel qui se trouve à 900 NM de distance.

 

On pense à vous qui nous indiquez par vos e-mails qu’entre la fin du COVID-qui-ne-finit-jamais et les manifestations d’amitié du régime russe, l’ambiance est un peu morose en Europe.