Ala rencontre des indiens Embera, un dimanche bien particulier
Écrit par Fabienne le 24/03/2022
Le Panama comporte une population globale actuelle qui s’élève à 4'437'596 habitants. Il existe encore sur son territoire quinze tribus amérindiennes, dont sept groupes ethniques. Les Gunas, les Wounaans, les Ngobe, les Bugles, les Teribes, les Bris Bris et les Embera.
Nous avons eu l’opportunité avec la flotte du GLYWO d’aller à la rencontre de l’une d’entre elles, les Embera, qui ne compte plus que 33'000 individus de nos jours.
Les indiens Embera viennent de l’extrême Est du pays, à la frontière avec la Colombie, dans la région du Darien, où ils vivaient autrefois. Ils ont dû fuir cette région, terre de leurs ancêtres, grande zone forestière, lorsque celle-ci est devenue un terreau d’adoption pour les Farcs. A l’heure actuelle, la plupart des indiens Embera vivent sur les rives du Rio Gatun, un fleuve au centre du pays entre Colon et Panama City.
Ce fut un réel privilège d’être reçus par une communauté Embera dans leur village, une rencontre magique que je ne suis pas prête d’oublier.
Nous nous sommes rendus en car dans le parc national Chagres où nous avons été débarqués sur les rives du lac Gatun. Nous nous sommes répartis sur des pirogues motorisées, alliant la tradition de la pirogue taillée dans le bois à la modernité d’un moteur. Nous avons pris place en fonction de notre poids et de notre taux d’occupation de l’espace dans celles-ci. C’est ainsi que je me suis retrouvée assise à côté de Thomas. Nous avions dû au préalable tous enfiler des gilets de sécurité. Chaque pirogue avait debout à sa proue un indien Embara vêtu d’un pagne aux perles de couleur et tenant un grand bâton et à l’arrière de la pirogue un autre indien Embera chargé de la conduite et du moteur. Nous avons glissé sur le lac, à pleine vitesse, cheveux au vent, les indiens se faisant un malin plaisir à faire la course entre les pirogues, communiquant entre eux par des sifflements et des claquements de langues.
Le lac était immense, puis nous avons commencé à remonter une rivière, les indiens continuant à rivaliser d’astuce pour tenter de se dépasser et de gagner la première place, coupant dans des trajets rectilignes audacieux les grandes courbes de la rivière. Nous sommes remontés celle-ci pendant près de deux heures, dans une nature sauvage et préservée. L’eau était fraîche, cristalline. A de nombreuses reprises, les pierres du fond de la rivière sont venues râcler le fond de notre embarcation et c’est là que nous avons pu admirer la force et la dextérité de l’indien à notre proue, qui nous faisait alors remonter le courant uniquement à la force de son bâton, pendant que l’autre indien à la poupe devait lever son moteur. Au détour des circonvolutions de la rivière, nous avons découvert des enfants qui jouaient au bord de l’eau, des femmes qui se lavaient les cheveux.
Il y avait sur les rives de nombreux oiseaux, des papillons bleus géants qui virevoltaient autour de nous, dans les arbres qui bordaient la rivière, des singes. Sur les collines avoisinantes, on observait au sommet de celles-ci des cases avec des toits de palmes et de la fumée, témoignages de l’existence de petites communautés Embera. Il y avait aussi en ce dimanche des familles panaméennes qui étaient venues dans le parc national pique-niquer sur les rives de la rivière. Tout le monde se saluait très gentiment.
Dans un virage de la rivière, nos pirogues ont été tirées sur le sable et nous avons été accueillis par une délégation du village Drua Embera. Il y avait des jeunes garçons qui jouaient divers instruments de percussion de leur culture et des jeunes femmes dans leurs costumes traditionnels, les cheveux piqués d’une couronne de fleurs rouges.
Les enfants de la communauté étaient présents et tout excités de nous voir. Nous sommes montés derrière toute cette charmante colorée, musicale et animée délégation au sommet de la colline, à l’entrée du village. Nous avons été conduits au Congresso où nous avons pris place et été accueillis par la reine du village. Eh oui, il s’agit à nouveau d’un matriarcat.
La reine nous a expliqué que tout le village a choisi de suivre les coutumes ancestrales et de vivre ici, sans se marier à l’extérieur. Les enfants sont tous scolarisés jusqu’à la fin de l’école primaire dans le village, puis doivent se rendre dans un autre village pour le secondaire, puis à Panama s’ils souhaitent poursuivre des études. La communauté cultive fruits et légumes et pêche dans la rivière pour se nourrir. Elle élève des petits cochons et des poules. Les femmes vendent leurs artisanats qui consistent principalement dans la confection de bijoux et de mollâs. Chaque artisane a son propre étal et rencontre plus ou moins de succès selon son talent et sa créativité. Les cases sont ouvertes et garnies de toits de palmes, résistants à la pluie. Il n’y a aucun mobilier dans les maisons, seulement le nombre d’hamacs nécessaire à ses habitants. Une case est dédiée à la cuisine du village. Elle est faite collectivement. Des femmes s’affairent autour du feu. Les hommes s’occupent des pirogues, de la pêche et de la construction des cases.
La reine nous a expliqué qu’elle n’est pas élue au scrutin, mais que les villageois doivent emboîter le pas de leur candidate préférée le jour de l’élection, en file d’indien… C’est celle qui comptabilise le plus de suiveurs qui gagne.
Il nous a été servis un repas de poissons et de plantain frits enveloppés dans une grande feuille de banane, piquée d’une fleur. Si la présentation était juste sublime, la saveur l’était un peu moins, je dois l’admettre.
Hommes et femmes portent des tatouages rituels, juste peints sur la peau qui durent environ trois mois. Thomas et moi avons succombé au charme de ces beaux dessins et nous sommes fait tatouer les bras. Malheureusement, ceux-ci n’ont pas résisté à la baignade que nous n’avons pas manqué de faire moins d’une heure plus tard dans la rivière. Dommage!
Nous avons après le repas assisté à un concert donné par les jeunes garçons qui nous avaient accueillis lors de notre arrivée, suivi par un spectacle de danse crée et produit par les femmes et les fillettes du village. Alors que je contemplais fascinée les danseuses et leur incroyable énergie, une ravissante fillette est venue me prendre les mains et m’entraîner dans la danse. J’étais très embarrassée, mais je n’osais pas lui résister tant elle semblait concentrée et appliquée. Elle ne me quittait pas des yeux. Heureusement, lors des danses suivantes, le public a été invité à se joindre aux danseuses et je me suis sentie plus à l’aise.
Nous avons parcouru le village, qui était très propre et ne manquait pas d’eau vu la proximité de la rivière. Nous avons pu observer que tous les villageois étaient certes petits, mais minces, musclés et très bien proportionnés. Ils étaient tous souriants, aimables et joyeux. Les enfants du village ont accompagné ceux et celles d’entre nous qui souhaitions nous rafraîchir dans la rivière et nous laisser porter par le courant. C’était très amusant. Les enfants Embera nagent extrêmement bien et n’ont aucune crainte de l’eau. Nous nous sommes giclés mutuellement et ma petite cavalière m’a montré comment se laisser porter par le courant.
En fin de journée, l’heure du départ a sonné et c’est le cœur serré que j’ai pris congé de la petite indienne qui m’a prise dans ses bras. Les visiteurs sont remontés dans nos pirogues respectives. La plupart des villageois sont venus au bas de la colline pour nous saluer. Nous avons glissé sur l’eau cette fois dans le sens du courant avec plus de facilité, même si à nouveau parfois notre indien de proue a dû faire avancer notre embarcation avec son bâton. Sur les rives, il n’y avait plus de Panaméens, car le gouvernement a décrété qu’ils doivent quitter le parc Chagres pour 16h afin d’éviter qu’ils roulent plus tard en état d’ébriété sur les routes pour regagner leur domicile…
Nous avons tous été frappés par la paisibilité, la joie de vivre et l’empathie de ces indiens Embera qui vivent au cœur de la Nature dans la simplicité et sans le moindre confort et qui nous ont si dignement et amicalement accueillis.
Une belle leçon d’humanité et d’humilité, vu ce qui se passe actuellement dans le monde.
Je ne suis pas prête de t’oublier petite indienne, ni ta communauté, ni la journée magique que Vincent et moi avons passée en ce dimanche si particulier.