ABECEDAIRE

Hilton

 

 

Préambule : Nous sommes le 3 août 2022, je suis dans l’avion du retour. De Tahiti à Genève. En passant par Los Angeles et Paris. La veille j’ai quitté le bateau à Raiatea, à la marina de Apooiti, après avoir pris congé sur le quai de Etienne et Genevieve de Loly qui partaient pour Maupélia, de Yannick, qui quittera bientôt le bord de Vitamine, et de Anouk venue m’apporter des colliers pour ma famille et me souhaiter un bon retour.

Pierre est arrivé, vers 10.30, suivi de près de l’acheteur et de son fils. Il m’a aidé à descendre mes trois valises. L’une qui contient le matériel de plongée. L’autre, mes affaires et la troisième celles que Fabienne avait laissées.

Dave et son fils ont attendu que je descende la dernière valise pour monter les leurs à bord. Dave s’est tenu à distance, atteint par la Covid et portant un masque FFP2. Les contacts ont été minimaux. L’échange fut bref. Il m’a vivement remercié. Je l’ai félicité. Il m’a promis de me tenir informé de ce que Crazy Flavour deviendrait. Je le sais en d’excellentes mains.

 

J’ai caressé le logo de la coque avant bâbord, je me suis tourné et je suis monté dans la voiture de Pierre. L’émotion fut maîtrisée. Je savais depuis le matin que mon broker avait sur son compte l’argent de la transaction. Et que plus rien ne me retenait en Polynésie. Il fallait en partir.

 

À l’aéroport de Raiatea nous sommes tombés sur Arnault et Marie-Laure de Chap’s qui nous avaient apporté à Pierre et moi des colliers de coquillage. J’aime les Chap’s. Ils ont toutes les qualités du cœur et en plus j’admire leur couple simple et incroyablement fort. Et j’apprécie leur amitié inaliénable, discrète et très fidèle.

 

L’avant-veille j’avais reçu la visite de Juliette et Pierre, un jeune couple français qui a déjà passé neuf mois à Raiatea. Pierre, en tant que futur médecin à passé six mois à l’hôpital et déjà trois mois au dispensaire. On les avait rencontrés à Niva Oa, lors de la journée d’excursion avec notre guide Brian O’Connor. Ils s’interrogent sur leur lieu futur de vie. On parle assez naturellement de l’évolution récente des conditions de vie. Qui aurait osé dire il y a cinq ans que l’on aurait une crise prévisible de l’énergie l’hiver prochain ? Nous nous donnons rendez vous en Suisse lorsqu’ils y viendront.

 

Retour au deux août. Le vol Raiatea Papeete fait escale à Bora Bora. Comme si la Polynésie voulait me souffler qu’il faudra revenir revoir ses somptueuses beautés. Nous survolons Tahaa deux fois et admirons le relief de Bora Bora.

 

Le soir, je me retrouve au Hilton. Le coucher de soleil est somptueux sur Moorea. Je prends un cocktail et contemple mon dernier coucher de soleil polynésien. J’échange avec Impossible et Fou de Bassan qui sont en mer. Il y a du vent soutenu sur la route qu’ils suivent. La mer est forte. Je me demande si au fond je les envie. Un peu, nul doute, mais plus tant que cela.

 

 

 

Voilà donc le moment venu de passer à l’abécédaire. Avec un parti pris. Celui de voir ce que chaque lettre évoque en moi, après 10 mois d’épopée. Et si je m’octroie le droit de mettre plusieurs noms par lettre, cela devra néanmoins rester court.

 

ANAHO : Baie située au NE de Nuku Hiva, capitale des Marquises. C’est un lieu enchanteur. Accessible que par la mer ou par un sentier escarpé qui relie cette baie au village de Hatiheu. J’ai apprécié cet endroit quasi inaccessible. Cocotiers, fruits et fleurs de toutes sortes, belle plage et sentiment d’être au bout du monde. Le paradis doit ressembler à cela.

 

APATAKI : l’atoll sur lequel tout a failli finir. J’ai cru quitter cette terre dans ce lieu retiré, assez paradisiaque des Tuamotu. Fabienne y a trouvé un élan de solidarité inouï. Et j’ai pu être sauvé par l’hélicoptère de la marine française et l’urgentiste dépêché par Papeete au dispensaire du seul village de l’île. Je vais vous surprendre, ce n’est pas un mauvais souvenir. Et je sais qu’un jour j’y retournerai.

 

ATLANTIQUE : une traversée de plus de 3000 NM en 17.5 jours. Assez rude entre le point le plus proche du Cap-Vert et la Barbade. Des grains fréquents, un bateau soumis à des vents en permanence supérieurs à 25 KN, dans une houle croisée. Une équipe mixte formidable de trois couples. Chacun en garde un souvenir ému. Fabienne plus particulièrement pour le bruit des vagues arrière contre la coque et les secousses. On l’a fait, s’est on répété hébétés, à l’arrivée…

 

BONAIRE : un bijou d’île hollandaise au large du Vénézuéla. Petite sœur de Curaçao et de Aruba, elle est un paradis pour plongeurs. On a aimé son côté authentique. Et le fait qu’elle semble bien gérée par les hollandais, qui gardent la haute main sur l’administration de ce confetti. Ce fut une plongée mémorable avec les équipages de Surya et Impossible.

 

BLOG : Au début Fabienne était contre. Ensuite elle a adoré rédiger, au point de tenter de me restreindre le contenu de mes articles à certains sujets. Ou elle s’énervait si je rédigeais et qu’elle était au point mort. Au total plus de trois cent pages et plus de 120 articles. Je crois que l’on ne s’attendait pas à une telle profusion. Mais la discipline et le plaisir du partage furent au rendez-vous.

 

BORA BORA : la quintessence du relief polynésien. Un paradis mêlant relief central, lagons enchanteurs et motus préservés. Mais ne vous y trompez pas, c’est un business. Et l’authenticité disparaît progressivement. Il y a onze chaînes hôtelières et 10’000 habitants sur cette île assez restreinte. Soit plus d’habitants que dans toutes les Marquises.

 

CADIZ : une ville inoubliable et enchanteresse. Des immeubles et palais témoignent de sa splendeur passée, lorsqu’elle monopolisait tout le commerce avec l’Amérique du Sud. Incroyablement située sur la pointe d’une lagune et forte d’un nouveau pont qui l’a désenclavée.

 

CANARIES : on a visité Lanzarote et Santa Cruz. Ce furent de belles surprises. Le Teide restera gravé dans ma mémoire. Et le départ de la transat depuis ce port de Santa-Cruz est un moment fort de cette épopée, sous les cloches et klaxons des autres participants.

 

COUCHER DE SOLEIL : Mon moment à moi chaque fois que je peux. Je m’imprègne du sentiment que cela va être magique. Je ne m’en lasse jamais. Qui n’a pas assisté à un coucher de soleil en pleine mer ne peut comprendre. En Polynésie les couleurs sont différentes d’ailleurs. Cela part du jaune au bleu et un bref instant les couleurs sont violettes. C’est follement apaisant. Et je crois en être devenu addict.

 

CRAZY FLAVOUR : Crazy, parce que le précédent propriétaire l’avait appelé Crazy Louise, et ça me plaisait de garder ce grain de folie. FLAVOUR, car F pour Fabienne, L pour  Lionel, notre fils aîné, A pour Ambre notre fille, V pour Vincent et « OUR » car c’est ( c’était) le nôtre. Et franchement ce nom de bateau est devenu très populaire, tant dans le GLYWO que sur les bords du Léman. Il sonne bien chez les Anglo-saxons, et chez les francophones on peut le traduire par «Fol Arôme», ce qui sonne bien également et reste original.

 

CROIX DU SUD : la constellation que l’on voit depuis l’hémisphère Sud. Une forme de quatre étoiles dont celle de droite est un peu décalée par rapport à une Croix parfaite et un peu moins lumineuse. J’ai appris à la repérer et à l’apprivoiser. Et à la contempler avec un certain plaisir chaque nuit du Sud où il m’était donné de pouvoir apercevoir la voûte céleste.

 

DESALINISATEUR : une machine pas si compliquée que cela mais relativement énergivore, qui produit de l’eau douce à partir d’eau de mer. Par un système de pression à travers une membrane qui retient le sel. Le nôtre était parfait en terme de production. 50 litres à l’heure, mais capable de marcher vers midi sur le seul courant produit par les panneaux solaires. En navigation, une heure et demi suffisait chaque jour, sans avoir besoin de recharger les batteries au moteur. L’autonomie obtenue est ainsi considérable. Un game changer diraient les anglophones.

 

EMPANNAGE : se dit d’une manœuvre délicate en vent arrière, lorsque l’on passe d’une amure à une autre. Ce qui fait traverser la Grande Voile (GV) d’un bord à l’autre.  Un empannage mal maîtrisé par fort vent peut vous faire perdre votre mât. Sur l’Atlantique, nous avons effectué plus de 27 empannages pour 3100 NM. Sur la même distance dans le Pacifique, l’on a empanné une seule fois à quatre heures de l’arrivée. Il faut dans l’ordre : enlever la retenue de bôme, mettre le mât au milieu, rouler le génois, mettre le chariot de GV au milieu de la barre d’écoute, border à fond la GV, donner le coup de barre en abattant au vent, lâcher chariot et la GV, dérouler le Génois, redonner de l’angle au mât et mettre la retenue de bôme sur l’autre bord.

 

ÉQUATEUR : le passage de l’équateur fut un moment important et solennel pour Spyro, Patrick, Pierre et moi. L’on regarde les instruments et l’on se voit basculer dans l’autre hémisphère, à l’orée des Galápagos. Sur la mer rien de visible.

 

ÉQUIPIERS : Ils ont été nombreux à nous rejoindre.

 

Dans l’ordre : Olivier, Laurence, Pascal, Blanche, Carlos, Nicolas, Tania, Philippe, Louis, Robin, Bettina, Lionel, Claude-Aline, Ambre, Coralie, Dominique, Birgit, Clarence, Nathalie et Jacques, pour le versant Atlantique.

 

Pierre, Spyro, Patrick, Christophe, Chantal, Irène, Thierry, Claude, Antoine, Nicoline, Carlos, Louis, et Mathieu pour le côté Pacifique.

 

Soit au total 31 équipiers, en plus des deux co-propriétaires.

 

Fabienne a vécu toute l’Atlantique, est rentrée six semaines en Suisse après le canal de Panama pour nous rejoindre aux Marquises. Et elle a de nouveau quitté le bateau à Moorea pour prendre soin en Suisse de ses parents en santé précaire.

Pierre a passé plus de trois mois à bord. Louis et Carlos sont venus deux fois.

 

FABIENNE : Elle n’en revient pas elle-même de ce qu’elle a pu accomplir. De la manière dont elle a su maîtriser ses angoisses, surmonter ses peurs, parfois avec un zeste d’auto-hypnose. Déterminée, souriante et finalement très à l’aise tant en mer qu’au milieu de marins.

C’est désormais elle qui me rassure quand je doute.

 

FAKARAVA : Atoll légendaire des Tuamotu, il a deux passes qui permettent d’accéder à son gigantesque lagon. Celle du Nord et celle du Sud. On a commencé par celle du Nord, réputée très large et assez facile à franchir proche de l’étale. On a adoré parcourir le lagon une fois vers le Sud-Est puis retour dans l’autre sens. On a fait des virées et plongées snorkeling mémorables. J’ai pu faire deux plongées avec bouteille dans la passe Sud ou j’ai décompté plus de 80 requins. La baie de Hirifa reste un des plus beaux mouillages de tout le voyage.

 

FOLLOWERS : vous avez été finalement plus de 430 lecteurs réguliers de notre blog. Certains réagissaient à chaque article ou presque. D’autres épisodiquement. Certains occasionnellement. On ne se connaît pas tous. Mais on restera en contact. Merci pour tous ces échanges. On a tenu compte de vos apports et de votre ressenti. Vous nous avez tenu la main et souvent encouragé.

 

GÉNOIS : voile triangulaire d’avant d’une surface plus importante que la trinquette. Notre génois a beaucoup été utilisé. Et il a été fiable et ne nous a jamais lâché, ni trompé. Alors que lui on l’a souvent roulé….

 

GIBRALTAR : le rocher qui domine l’entrée de la Méditerranée. Je n’y étais jamais allé. Alors une arrivée de nuit par 20 Kn de vent, c’était juste génial :  un empannage au milieu du détroit et un déboulé le long de ce caillou resté britannique à 12 Kn de vitesse.

 

GLYWO : «  Grand Large Yachting World Odyssey ». Un acronyme à revisiter, car pas très prononçable et  encore peu connu. Il n’en reste pas moins que l’organisation du GLYWO et sa réussite sont exemplaires. L’esprit qui y a régné était fantastique. Et des amitiés à vie y sont nées.

 

HUAHINE : une double île reliée par un pont qui a su garder son authenticité. Un lagon très attractif. Une navigation bien balisée et des couleurs vertes, mâtinées de bleu, inoubliables. Et en plus le supermarché de Faré est d’une surface et d’une abondance inégalée dans la région.

 

HYDROGENERATEUR : de la marque Watt and sea, cet instrument coûteux permet de recharger, lorsque l’on navigue, ses batteries, au moyen d’une hélice, placée temporairement à l’arrière de la coque bâbord. Inconvénient, le bruit en sifflement à haute vitesse. On y a renoncé dans le Pacifique, alors qu’il fut utile dans l’Atlantique où nous avons eu davantage de nébulosité. Et où les panneaux solaires délivraient donc moins d’ampères.

 

IMPOSSIBLE : Notre bateau frère, un Outremer 45 Danson.  Celui avec lequel nous avons découvert de nombreux mouillages. Et partagé apéros, repas, jeux et discussions. Ce fut une amitié parfaite, jamais prise en défaut et une sincérité continue au niveau de nos échanges, tant en direct que par iridium. Bon vent à Valentine et Sébastien.

 

IRIDIUM GO : l’instrument miracle qui a permis de recevoir la météo, les e-mails et les SMS, en pleine mer. Bien plus cette petite boîte connectant le bateau aux satellites nous a permis d’écrire des posts et de lire ceux des autres, chaque jour de traversée. Merci au software météo de Predictiwind très adapté à nos besoins, et très fiable.

 

JAMAIS CONTENT : c’est le nom d’une bouteille de vin rouge. Un Morties de Pic Saint Loup. Acquis avant de prendre le large avec de nombreuses autres bouteilles de diverses origines, italiennes, françaises, suisses, espagnoles, chiliennes, et américaines. Du rouge du rosé, du blanc. La cave était située sous le plancher en bas de la descente bâbord dans la coque propriétaire. Il y avait même un compartiment « bulles » avec du champagne, du Prosecco et du Mauler de Neuchâtel. La bonne nouvelle est qu’il ne restait plus que deux bouteilles le jour du départ, alors que du temps de sa splendeur la cave contenait environ cinquante bouteilles.

 

KLAXON : un instrument que nous n’avons presque pas utilisé. Sauf pour saluer le départ ou l’arrivée de l’un d’entre nous du GLYWO.

 

LOCH : appareil immergé sur la coque qui permet de mesurer la vitesse sur l’eau. Pas toujours très fiable, en fonction de sa propreté notamment. Du coup nous nous fiions davantage à la vitesse sur le fond (SOG), mesurée par le GPS. Au final, lorsque je quitte Raiatea, le loch affiche 12105 NM, depuis Port Camargue. Mais j’ai toujours dit que le loch était pessimiste. Il faudrait amplifier ce chiffre de 5 à 7 %.

 

LUNE : le lever de lune en mer est un moment spectaculaire. Non moins spectaculaires pour les européens les formes que prend la lune proche de l’Equateur. Le croissant est orienté non pas verticalement, mais horizontalement. Une navigation par pleine lune est toujours une bénédiction.

 

MARQUISES : un très bel archipel. Des gens rudes mais au fond accueillants. Ils y vivent simplement. Des fruits comme les mangues ou les grapefruits, d’une saveur jamais retrouvée ailleurs. Des paysages sauvages et très verts. Des danses et des traditions ancestrales. Des ruines mystérieuses et nombreuses témoignant d’une importante population avant l’invasion par des européens. Un artisanat très fin. Bref une terre plurielle dont on peut comprendre qu’elle en a retenu plus d’un.

 

MOTEURS : deux Volvo penta de 40 CV chacun. Bien entretenus. Jamais le moindre souci ni problème. On navigue souvent sur un moteur, pour économiser le diesel. En tout, en dix mois de navigation, moins de 3 pleins ont été nécessaires. Et avec deux moteurs, le bateau est extrêmement manœuvrant et permet de tourner sur place. Au finale, après 9 ans d’utilisation, les moteurs affichent environ 1730 heures chacun. Ce qui est très raisonnable. Et démontre que la voile fut le vrai moteur.

 

MARINAS : on a fréquenté peu de marinas en définitive. Barcelone, Valence. Carthagène, Motril, Gibraltar, côté espagnol, Cadiz, Lanzarote, Santa Cruz, Le Marin, Bonaire, Linton Bay, Shelter Bay, La Playita, Taina, Apooiti. La plus longue durée sans Marina fut de trois mois entre le Panama et Papeete, soit du 6 mars au 28 mai pour être précis.

 

MÉDITERRANÉE : Mare Nostrum, disaient les romains. La nôtre pendant six ans sur CRAZY FLAVOUR. On en est sorti, presque à regret, tant elle est riche en histoire et en civilisation. La côte espagnole jusqu’à Gibraltar a été une belle découverte.

 

NERF DE LA GUERRE : ce voyage n’est certes pas gratuit, tant s’en faut. Nous avons toutefois  dépensé moins que prévu et bien revendu notre bateau. Donc, c’est accessible avec des budgets raisonnables. Un poste assez onéreux est celui de l’assurance qui quadruple si l’on traverse l’Atlantique et au-delà.

 

OUTREMER : ces catamarans Outremer sont portés aux nues par certains, dont nous, et critiqués par d’autres. Je relève que sur certains bateaux OUTREMER, nombre de petites pannes et défauts ont été constatés, sans qu’on s’explique le pourquoi, notamment au niveau de l’électronique. Il est vrai que chaque nouvelle génération devient plus complexe et donc sujette à davantage de problèmes potentiels.

Pas sur le nôtre, construit en 2013 et que nous avons acquis en 2015.

La combinaison de la performance, de la légèreté et du confort est assez exceptionnelle.

Ce sont des bateaux connus pour être rapides et fiables. Et surtout qui plaisent aux visiteurs ou équipiers. Même si certains - les traîtres-  s’entendent à encore trouver du charme aux monocoques, pour lesquels il éprouvent une attirance aussi mystérieuse qu’irrationnelle…

Nous n’avons rien cassé de substantiel, si ce n’est deux taquets de mât. Mais nous avons plutôt sous-toilé que sur-toilé. Et veillé en permanence à minimiser les risques pris.   

 

PANAMA (CANAL) : une étape mythique de notre parcours. Passer dans le Pacifique n’est pas rien. Peu de bateaux qui traversent l’Atlantique franchissent ensuite ce canal. Car revenir n’est pas évident. Fabienne a barré tout le passage du canal. Et notre advisor fut prodigieux lorsque l’amarre d’un autre bateau de notre attelage à trois a lâché. Sa réaction et celle de l’équipage ont permis d’éviter de la casse. Le passage sous le pont des Amériques fut un moment symbolique et marquant. Avec Ann à bord, équipière de Surya.

 

PANNEAUX SOLAIRES : nous avons un portique de quatre panneaux et quatre panneaux supplémentaires sur le Bimini. Il apportent environ 1.1 kWh. C’est largement suffisant pour se passer des chargeurs des moteurs pour recharger nos batteries lithium ion. Qui ont été peu sollicitées. On n’est jamais descendu en dessous de 60% de charge.

 

PILOTE AUTOMATIQUE : sur Crazy Flavour, nous avions deux pilotes automatiques de marque NKE. Plutôt fiables si l’utilisation n’était pas trop longue. Après 12 jours dans le Pacifique nous avons du faire face à des dysfonctionnements. Et je ne sais toujours pas pourquoi, il se braquait subitement. Il fallait aussi éviter une utilisation accrue des winchs électriques sous pilote. J’ai constaté dans la flotte que ce dysfonctionnement occasionnel des pilotes était assez généralisé. Quelle que soit la marque. En règle générale, il faut éviter de naviguer sur-toilé et parfois  débrancher le pilote quelques heures dans des mers trop formées. Au passage, le record de vitesse du bateau est intervenue sous pilote, à 19 KN.

 

POLYNÉSIE : un paradis sur océan. Des gens accueillants. Tournés vers autrui. Trois type d’îles. Des fonds marins plutôt bien préservés. Des lagons d’une beauté inouïe. Pourquoi ne pas y être venus plus tôt ?

 

QUARTS : quand on navigue de nuit, il faut se relayer. D’où la nécessité de faire des quarts. Entre 2.5 et 3 heures en fonction des circonstances. Le quart du zombie est celui du milieu de la nuit. De l’avis de tous, le deuxième quart est pénible, car l’on ne dort pas avant et il t’amène assez loin dans la nuit. Il faut porter le gilet et la « montre NKE » qui déclenche une alarme si l’on tombe à l’eau, et ne pas s’aventurer en dehors du cockpit sans qu’un acolyte te surveille. De très grands moments d’introspection si l’on est seul, de discussions si l’on est deux, de découverte des étoiles et de navigation jalonnent ces quarts de nuit.

 

 

RAIE MANTA : un des plus beaux animaux de la création. Majestueuse, souple, immense. Apparemment dotée d’intelligence et souvent curieuse. J’ai vécu un moment fort à Tortuga, îlot des Galápagos, en en croisant une d’assez près.

 

RIS : système de cordage et de poulie permettant de réduire la GV par vent élevé. Selon les tabelles constructeur, pour un Outremer 51, l’on prend le premier ris autour de 18 Kn de vent apparent. Le deuxième vers 22 Kn et le troisième au dessus de 28 Kn. C’est un bel exercice physique au pied du mât, qui conjugue force et habileté.

 

ROUTAGE : le routage consiste à se faire assister par un routeur situé hors du bateau et qui au moyen de banques de données, d’accès à des vues satellites et avec des logiciels puissants va guider le bateau pour éviter les vents trop puissants et saisir les vents favorables. Nous avions retenu Chris Tibbs, routeur anglais connu pour sa légendaire expérience, pour nous aider à franchir l’Atlantique. Chaque jour entre 9.00 et 11.00, Chris nous envoyait un e-mail d’une page A4, comportant un point météo général et plus restreint puis en finale deux ou trois paragraphes concrets sur la route à suivre. Cela  s’est révélé très utile. Et pas trop onéreux. Pour l’équipage, ce fut rassurant de savoir que l’on éviterait des tempêtes et surtout que quelqu’un nous prenait en charge. Je n’ai pas senti ce besoin sur le Pacifique, grâce aux routages de Predictwind.

 

ROUTE NORD : ce bord des Galápagos à Nuku Hiva aux Marquises l’on n’est pas prêt de l’oublier. 15 jours et nuits, presque 3100 NM sur un seul bord, bâbord amure. Surtout une décision de prendre une option Nord pour être mieux positionné à l’arrivée. Et qui a indiscutablement payé. On en rit encore entre Pierre, Patrick, Christophe et moi.

 

SAN BLAS : un archipel d’îles situées en Atlantique, dans les eaux panaméennes, à l’écart des routes et de la civilisation. Des motus rongés par les vents et la montée des eaux. Un peuple indien GUNAS très typé, parlant sa langue et vivant avec un statut d’autonomie. Un très beau moment dans des baies magnifiques à se demander s’il ne faudrait pas déjà s’arrêter là. Une des plus belles découvertes du voyage.

 

SÉVILLE : une très belle ville espagnole, d’où est parti Magellan que nous célébrons 500 ans plus tard. On a reçu une bénédiction dans la même église. Et on a apprécié ses richesses culturelles, mais moins le quai peu amène, sur lequel nous étions amarrés à couple avec Impossible.

 

TAHAA: une très belle île au large de Raiatea, dont elle partage le lagon. Réputée pour sa vanille et ses fermes perlières, elle a également deux rhumeries et surtout un charme incomparable, dû à son positionnement et à ses baies profondes et accueillantes.

 

TATOUAGE : celui que j’ai fini par me faire apposer les tous derniers jours de mon séjour à Raiatea. En forme de Raie Manta, comprenant une tortue, avec le symbole de la mer. On avait hésité avec Fabienne. Son départ précipité m’a laissé avec une douleur sourde que ce tatouage a voulu combattre par une douleur plus forte encore… Vous verrez le résultat sur le biceps gauche.

 

TRINQUETTE : voile triangulaire avant de format réduit. Cette trinquette est une bénédiction. Elle s’installe en la déroulant depuis le cockpit. Et elle est petite et facile à manier. Avec elle et trois ris dans la GV on peut supporter plus de 30 KN de vent apparent. Elle permet un cap honorable au près. Et elle ne sollicite pas exagérément le grément.

 

UA POU : une belle île des Marquises, avec une population accueillante, et des fruits magnifiques. On y a rencontré un producteur de chocolat fantasque et goûté aux joies d’une cascade d’eau en pleine nature.

 

VENT RÉEL ET APPARENT : la base de notre déplacement vélique. L’on a finalement rarement eu du petit temps. Parfois des vents forts établis au-delà de 25 Kn. Mais plus redoutable, des rafales allant parfois jusqu’à 45 Kn. Ce que l’on cherche sur un catamaran c’est à se créer du vent apparent plus fort que le vent réel, en additionnant sa vitesse à celle du vent réel. C’est un jeu enivrant au terme duquel notre catamaran avance pratiquement à la vitesse du vent.

 

VIREMENT DE BORD : lorsque l’on remonte au vent, l’on se heurte à un maximum de l’ordre de 40 degrés d’angle par rapport au vent apparent. Et l’on ne peut remonter davantage. De ce fait si l’on cherche à aller contre le vent, il faut fréquemment virer de bord et remonter sur l’autre amure pour se rapprocher du but. C’est une manœuvre moins délicate que l’empannage, mais qui nécessite coordination de l’équipage et concentration du barreur. Et de ne pas oublier de tourner le mât !

 

WHATSAPP : dans le cadre du GLYWO, tout est communiqué par WhatsApp. C’est facile et pas cher avec des abonnements pris sur place où l’on paie des données. Il existe un groupe pour les informations officielles. Un pour recueillir des informations ou photos destinés aux médias. Et un baptisé « Chit Chat » qui nous permet de communiquer entre nous. Très pratique pour savoir ce qui peut nous attendre dans tel ou tel mouillage ou atoll. Ceci sans mentionner les conversations directes que certains entretiennent par ce truchement.

 

 

YACHTING : ils vivent dans un monde à part, ceux qui pratiquent la voile sur les océans et parcourent le monde... On a adoré cette brève année en mer qui a comporté des exigences permanentes et un peu de stress, mais surtout de vivre des moments magiques, inoubliables. On est aussi content de revenir intacts à la maison, riches de nos expériences et ressentis. Et désireux de relever de nouveaux défis.

 

ZEALAND (NEW) : lieu dans lequel sera basé Crazy Flavour à l’avenir. Son acquéreur Dave saura en prendre soin. On restera en contact avec lui. Et on regardera les photos. Ce bateau a fait partie de notre famille. Et son adoption en terres australes se passera sous les meilleures auspices.